Aller au contenu

Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/309

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ment fort excusables, mais même fort louables. Hostein[1] a dit qu’il ferait un procès à un théâtre du boulevard qui la prendrait, mais qu’il n’en fera pas à l’Odéon. M. Narrey s’était chargé de lever cette difficulté et en somme on pouvait la considérer comme levée. D’ailleurs il suffit de quelques heures pour arranger cela. Hier matin, à dix heures, je rencontre M. Vaez qui me demande vivement si tout est fini ; je lui dis que Mlle Daubrun accepte avec joie, mais qu’elle désire une légère, très légère augmentation dans les appointements ; si légère, madame, que je n’ose pas vous le dire. M. Vaez me dit de venir le retrouver à deux heures. À deux heures, M. Narrey[2] s’était chargé de la commission désagréable de m’annoncer que tout était rompu, que toute négociation était inutile, que les journées s’écoulaient, etc. Il y a trois jours d’ici à Nice, et l’Odéon ne s’ouvre, je crois, que le 15 septembre.

Ai-je besoin de vous dire, madame, avec quelle joie je voyais Mlle Daubrun rentrer honorablement à Paris, dans un ouvrage de vous, et réparer rapidement dans un théâtre qui lui convient les douleurs et les accidents de l’année précédente ? J’ai dit alors que j’acceptais pour elle, sans la consulter, les conditions offertes. Mais cette porte de refuge m’a été fermée. Dans tout cela, madame, il n’avait pas été question de votre désir ni de votre opinion ; c’est cette réflexion si simple qui m’est apparue comme une chance de salut, et qui me fait vous écrire.

Non seulement, je vous demande votre opinion, une opinion favorable, mais je vous prie, vous l’auteur, vous le maître, d’excuser une pression qui annule la pression inconnue que je n’ai pas su deviner. Je vous supplie, à moins que vous n’ayez des projets arrêtés à l’avance, d’écrire quelques mots à ces messieurs, particulièrement à M. Royer. Vous le voyez, madame, je fais comme ces malheureux, mécontents du Cadi et qui cherchent partout le sultan ; ils comptent sur sa bonté et sur sa justice. Que vous m’accordiez ou que vous me refusiez, ayez la bonté de cacher le moyen excentrique dont j’ai osé me servir. Maintenant, il serait vraiment trop bête que je vous parlasse de mon admiration pour vous et de ma reconnaissance. J’attends votre réponse avec une certaine angoisse. Veuillez agréer, madame, l’expression de mon parfait respect.

Ch. Baudelaire.
27, rue de Seine.

Si, au moins, je pouvais vous faire rire en vous racontant un petit embarras qui m’a fait hésiter trois heures avant d’envoyer cette lettre,

  1. Jules-Jean-Baptiste-Hippolyte Hostein.
  2. Charles Isarrey.