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Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/315

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de plus, un curieux portrait de George Sand, à l’âge de cinquante-deux ans, elle devait les atteindre six mois après :

À M. W. L. Macready.
Champs-Élysées, 12 janvier 1806.

J’ai dîné chez la sœur de Malibran, l’admirable Mme Viardot, dont je suis de plus en plus amoureux, avant-hier soir 10 janvier, pour y rencontrer, par faveur spéciale, la très grande, très illustre, très célèbre George Sand. Hélas ! encore une de mes illusions fauchée par la réalité cruelle. L’auteur de tant d’œuvres brûlantes ne ressemble pas du tout au romanesque portrait que je m’en étais fait. Si on me l’avait montrée à Londres, dans la rue, je l’aurais prise pour une des sages-femmes de la reine ; elle est joufflue et respectable, elle est brune avec une légère moustache et des yeux noirs tranquilles ; elle n’a rien du bas-bleu si ce n’est une petite façon finale de faire cadrer vos opinions avec les siennes, qu’elle doit tenir de Nohant, maison de campagne où elle vit en souveraine, dominant et tyrannisant un cercle étroit d’adorateurs. En un mot, brave femme, très ordinaire comme figure, comme conversation, comme manières. Pour ce qui est de son esprit, on le dit très brillant ; mais je n’ai pu en juger ; elle n’a pas daigné le sortir. Le dîner était excellent sans prétention aucune ; il y avait nous, Mme Dudevant et son fils, les deux Scheffer, les Sartoris et une lady quelque chose, nouvellement arrivée de Crimée, qui porte une redingote et fume des cigarettes. Les Viardot ont une maison dans le nouveau Paris ; ils ont absolument l’an d’avoir emménagé la semaine dernière et de devoir déménager la semaine prochaine ; pourtant voici huit ans qu’ils habitent la même demeure. Rien d’ailleurs n’y rappelle l’art de la grande cantatrice. Je n’y ai pas vm de piano. Le mari s’occupe de littérature étrangère. C’est le meilleur des hommes. Quant à elle, j’aime mieux n’en rien dire, sinon qu’elle est parfaite et que je suis son esclave. Je suis obligé d’aller à Londres pour quelques jours ; mon magazine me réclame et l’ami Wills me fait des signes désespérés.

Mme Sand tenta plus tard d’adapter pour la scène française une pièce d’un autre auteur classique encore, Tirso de Molina, en écrivant d’après sa tragédie El Condenado por disconfiado (le condamné pour avoir manqué de foi), un drame intitulé Lupo Liverani. Mais, ayant été trop loin dans ses « arrangements » Mme Sand intitula son drame « nouvelle dialoguée » et elle ne