Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/325

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leurs feux allumés. Il faisait très doux. Henri[1] conduisait le cheval par la bride sur le chemin tout rayé de glace, et je m’endormais en rêvant que j’étais dans les Highlands…

C’est ainsi que pour écrire son roman suédois, dont la fable est tirée d’un scénario composé par Maurice pour ses marionnettes et dont le personnage principal est comme lui un imprésario de Guignol, lui ressemblant de plus par maint trait de son caractère et de son existence, il avait suffi à George Sand de se pénétrer des impressions d’une excursion hivernale à Gargilesse, jointes aux tableaux des pays septentrionaux, dans le journal de Charles Edmond et à quelques pages de renseignements sur la Suède et la Norvège. Or, nous avons vu combien la critique suédoise avait favorablement jugé ce roman et elle trouva même que l’auteur se connaissait en histoire et en couleur locale suédoises. C’est ainsi que les grands esprits créateurs des savants peuvent, d’après un fragment de poterie ou un débris d’ossature, reproduire la beauté d’une antique amphore ou toute la structure de quelque animal antédiluvien disparu à tout jamais.

Et lorsqu’on lit l’Homme de Neige il est très captivant de rencontrer au milieu des aventures romanesques de Christian Waldo tantôt le reflet de quelques traits ou de quelque habitude de Maurice Sand, tantôt la marionnette favorite de tout Nohant, Stentarello, ou enfin de lire comment Waldo (lisez : Maurice), quelques heures à peine avant la représentation, rebrosse ses décors, dans le but de leur donner plus de ressemblance avec le vrai paysage au milieu duquel se passèrent les événements réels de l’existence de ses parents ; ou encore de lire comment avant le lever du rideau, il se concerte avec un aide que le hasard lui envoie, sur les détails du scénario, ou enfin d’y retrouver les impressions d’une course en traîneau, par une journée glacée, le long d’une rivière dalécarUenne (!) qui tantôt apparaît soudain au milieu d’un brouillard, tantôt y disparaît avec ses rives escarpées, pendant qu’un jeune cocher descend du siège et conduit le cheval par la bride et que le héros s’endort, entouré des

  1. Henri Sylvain, cocher de George Sand (v. notre vol. III, p. 659).