Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/348

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tuer le temps, George Sand prétend que le récit sincère et véridique de la vie de chaque homme peut servir à tous les hommes : la loi de la solidarité oblige chacun à partager avec les autres les fruits de son expérience, de ses réflexions et de ses peines… Mais lorsque l’auteur commence son récit et nous conte l’histoire de ses parents, de ses ancêtres, sa naissance, son enfance à Paris et à Chaillot, son voyage en Espagne, les efforts de sa grand’mère « à faire une demoiselle » de la petite sauvageonne qu’elle était, les « excentricités » de sa mère, la liberté dont elle jouissait à Nohant et ses jeux au grand air, puis nous parle d’Hippolyte, de Deschartres, de son couvent, du retour à Nohant, quand elle évoque les lectures nocturnes, la mort de l’aïeule, le divorce moral avec sa mère (jusqu’à l’exil du petit chien inclusivement), son désespoir de jeune fille, son mariage, la naissance de Maurice, alors nous reconnaissons que l’auteur suit de point en point le plan tracé dans le Voyage en Auvergne. Après quoi, soudain l’auteur de l’Histoire, comme l’auteur du Voyage, s’interrompt uniquement pour dire au lecteur : « Il y a ici encore un ou deux chapitres fort intéressants, mais ils sont absolument sortis de ma mémoire… »

Nous lisons dans les Souvenirs d’Auvergne des lignes mystérieuses sur les « jours qui commencèrent ma ruine et ceux qui la finirent », c’est-à-dire sur les malheurs conjugaux d’Aurore Dudevant, sur son amour non moins malheureux pour Aurélien de Sèze, et immédiatement après : « Je partis pour les Pyrénées… » Tout cela apparaît dans l’Histoire de ma vie sous la forme des lignes non moins mystérieuses sur « l’être » qui aida Aurore « à supporter sa solitude », sur sa rupture finale avec lui, ou des pages consacrées au voyage dans les Pyrénées, pleines d’ellipses mentales, de sous-entendus, d’allusions à « Bordeaux », aux « chênes de Montesquieu, » à la « Brède » à l’Esprit des lois[1]. Et à travers tout cela dans les deux versions, des mémoires passe comme un fil rouge la même pensée :

« Le cœur resta pur, comme le miroir, il fut ardent, il fut sin--

  1. V. notre vol. Ier, p. 269-270.