Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/363

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de Manceau pour le bien-être matériel de Mme Sand, c’est qu’enfin elle trouva à ses côtés un homme qui pensait à elle plus qu’à lui-même, un cœur plein d’attachement sans bornes. N’oublions pas que Mme Sand lui dédia cinq de ses œuvres, nombre dépassé seulement par celles qu’elle dédia à son fils ; aucun autre de ses amis ne reçut d’elle tant de marques d’amitié.

La vie paisible passée à Nohant entre 1850 et 1855 vouée au travail (surtout à la littérature dramatique), aux spectacles improvisés ou joués par les camarades de Maurice, et les soins donnés à la petite Nini (lorsqu’elle y résidait, soudainement intégrée chez son aïeule par un brusque revirement d’idées de ses parents), vie rarement interrompue par des voyages périodiques à Paris pour les répétitions de ses nouvelles pièces, fut soudain brisée par la mort de cette petite Jeanne, survenue le 13 janvier 1855. Le chagrin plongea Mme Sand dans une torpeur, une prostration complète ; elle souffrit d’étouffements, abandonna tout travail, bien que durant toute sa vie elle trouva toujours en écrivant une consolation à ses maux.

La douleur ressentie par Mme Sand et sa fille après la mort de la pauvre petite fut grande, mais il ne faut pas s’exagérer l’importance des changements survenus par cette mort dans la manière de vivre de toute la famille. C’est ainsi que simultanément avec la lettre à Charton désespérée (imprimée dans la Correspondance), nous lisons dans une lettre inédite de Mme Sand adressée à Sully Lévy (qui avait envoyé une paire de gants blancs pour les mettre sous le moulage des mains de la petite défunte), les paroles suivantes, raisonneuses, s’accordant peu avec le ton ému de cette lettre de remerciements, étonnante dans la bouche d’une femme qui vient de perdre son petit enfant, et qui, selon son dire, est « hébétée par la douleur » :

… Je ne peux pas encore m’en consoler[1], j’en suis malade. On m’a saignée deux fois et je ne suis que faible, mais sans pouvoir éloigner l’idée fixe. Le temps et la volonté en viendront à bout, et je ne dis pas

  1. La lettre est du 30 janvier, la petite Jeanne mourut le 13 !