Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/362

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mais il crut encore de son devoir de donner à Maurice ce qu’il avait gagné pendant ces années, et toutes ses œuvres non vendues.

Après ce qui a été dit, il est simplement étonnant que Maurice Sand ait accepté ce labeur et ces soins rien que comme une chose due, et au lieu d’apprécier, aussi peu que ce soit, ce dévouement et tout ce que Manceau faisait pour lui, et souvent à sa place pour sa mère, il s’habitua à le traiter en homme à tout faire. Bien plus, s’autorisant de ces fonctions innombrables que Manceau assumait volontairement, il le traitait presque comme une sorte de domestique. Enfin, après la mort même de Manceau il en parlait comme d’un factotum d’un ton qui induisit en erreur beaucoup d’amis de George Sand. Ceux-ci commencèrent, d’après son dire, à parler de ce compagnon fidèle d’un ton presque méprisant. Il suffit toutefois de regarder le portrait de George Sand gravé par Manceau d’après le dessin de Couture, et ses autres œuvres, pour sentir son talent. C’est bien ainsi que le jugèrent tous les fervents de l’art qui l’approchèrent : les Goncourt, la princesse Mathilde[1], le comte d’Orsay (qui fut lui-même un sculpteur dilettante), Alexandre Dumas fils et beaucoup de critiques d’art contemporains. D’autre part ce serait une injustice impardonnable et un mensonge de la part du biographe de se contenter de se taire ou de dire quelques mots négligents sur son compte. Durant dix ans Manceau consacra sa vie à Mme Sand. Son dévouement, son attachement ne se démentirent jamais. Les lettres de Mme Sand, — les vraies et non les lettres tronquées, — disent de lui bien autre chose que ce que disait Maurice, ou l’aristocrate Solange, ou encore des personnes qui répètent, ce qu’elles n’avaient jamais ni vu, ni su. Manceau rappelait beaucoup ces personnages d’origine populaire que George Sand aimait tant à peindre dans ses romans : cœurs simples, spontanés, désintéressés et prêts à se sacrifier pour les autres. Ce qui fut plus important que toute la sollicitude

  1. Nous avons déjà dit dans le chap. ix que cette princesse invitait toujours Manceau lorsqu’elle invitait Mme Sand.