Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/390

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Cette habitude de donner des sobriquets et des noms d’emprunt à tous et à tout et de travestir les choses les plus simples d’une teinte de fiction un peu théâtrale, était invétérée à Nohant. Son reflet paraît dans les œuvres littéraires de Mme Sand. C’est ainsi que la maisonnette de Gargilesse fut baptisée du nom de la villa Algira. Nohant lui-même s’appela château de la Chimère ou château de la Plume. Et lorsque George Sand commença en 1856 dans la Presse une série d’esquisses de critique[1], elle les écrivit sous forme de dialogues et de causeries se passant, il est vrai, autour de la Table, confectionnée par le menuisier nohantais fort réel, Pierre Bonnin, mais dans une famille imaginée, les Montfeuilly. Tous les habitants de Nohant y apparaissaient sous de faux noms : Julia — « la généreuse et enthousiaste fille du voisin », Louise de Montfeuilly, l’aïeule, Théodore, — l’aîné des Monfeuilly, — l’abbé et l’auteur, qu’on prétendait n’être ni l’aîné ni le chef de la famille. Grâce à tout cela, ces esquisses ne sont ni une vraie œuvre d’imagination, ni de la vraie critique ; elles appartiennent au genre hybride et manquent de la signification qu’elles auraient, si elles étaient présentées comme l’expression franche et directe des opinions critiques de George Sand.

Nous nous sommes d’ailleurs écartés du sujet en parlant de l’habitude qui s’était développée chez Mme Sand de tout théâtraliser dans son entourage, à commencer par les noms propres.

Revenons à l’installation à Gargilesse : voici ce que nous lisons dans les Promenades autour d’un village :

…Nous rêvions, nous autres qui ne sommes pas forcés de vivre à Paris, de nous arranger un pied-à-terre au village. La maisonnette où nous avions dormi était à vendre pour ce prix modeste de cinq cents à mille francs dont on nous avait parlé. Amyntas la voulait pour lui. Moi, j’avais envie de la maisonnette renaissance.

Tout se passa en projets ce jour-là.

… On a beaucoup discuté une question fort simple que j’appellerai, si l’on veut, le secret de la chaumière.

  1. Ces articles parurent dans la Presse du 24 juin ou 25 octobre 1856 sous le titre de Autour de la table ; puis furent réimprimés en volume sous le même titre.