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Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/397

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Dans cette même lettre du 14 janvier, dont nous avons donné au chapitre x la description d’une course le long des bords gelés de la Creuse par une journée brumeuse et « un froid de Sibérie », Mme Sand décrit ainsi tout ce voyage et ce séjour à Gargilesse :

Nohant, 13 janvier 1858[1].

Cher Bouli,

Nous arrivons de Gargilesse. Partis ce matin à onze heures de l’hôtel Malasset, nous étions ici à six pour dîner, après avoir passé trois heures chez Vergue à Beauregard… Donc que je te parle de Gargilesse. La barounette (le baromètre) nous a menti comme de coutume. Nous sommes partis par un brouillard noir et un verglas superbe… Arrivée à Gargilesse, je trouvai la maison chaude, propre, commode au possible, toute petite qu’elle est ; des lits excellents, des armoires, des toilettes, enfin toutes les aises possibles. La petite salle à manger de l’auberge est charmante, aussi propre qu’un cabinet de restaurant propre, bonne cuisine. On a de petites lanternes pour rentrer chez soi et le village est beaucoup moins sale qu’une rue de Paris, pour les pieds.

Le lendemain, demi-brouillard et pas de soleil. Mais la terre assez sèche et l’air assez doux. Promenade de deux heures, travail à la maison et bésigue le soir. Le surlendemain, c’est-à-dire hier, même temps, promenade de cinq heures. Nous avons passé sur l’autre rive et suivi toutes les hauteurs, montant et descendant sans cesse. Nous avons escaladé les crêtes des rochers vis-à-vis de l’endroit où nous avions fait la friture au bord de l’eau. Là, il a fallu s’arrêter : la Creuse a mangé le chemin.

Enfin ce matin nous sommes partis par un soleil magnifique et un temps assez froid. Somme toute, comme dit M. Letac, soleil ou non, hiver ou été, le pays est toujours ravissant. Il est même plus beau en hiver, plus vaste et mieux dessiné. Les silhouettes d’arbres et de rochers ont plus de sérieux, le village est plus pittoresque, les petites cascades glacées sont très amusantes. Nous avons vu la maison de Vergne, très amusante aussi, une boîte à compartiments ; l’endroit est très joli. Je n’ai pas eu froid, je me porte bien, voilà. Le pays est abrité et doux. Les sommets sont sibériens, mais on n’y reste pas…

  1. La lettre est datée du 14 dans la Correspondance, mais elle fut écrite le 13. Mme Sand partit de Nohant le 10 janvier, elle passa à Gargilesse le 11 (le lendemain) et le 12 (le surlendemain) et enfin elle est partie de Gargilesse le 13 (« ce matin »).