Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/410

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verse les dernières pages du roman comme une ravissante silhouette. Malgré sa naïveté classique et son rire obligatoire d’ingénue de dix-sept ans, elle est aussi marquée de traits de race typique qui en font plus qu’une pensionnaire de convention. C’est bien une petite échappée du couvent, espiègle et rieuse, mais c’est aussi une fille de qualité, sachant apprécier à leur juste valeur les hommes et les choses.

Tous ces traits typiques qui caractérisent les personnages, le ton admirablement soutenu de la première partie font le charme du roman. C’est comme un beau tableau hollandais où tout : effets de lumière, détails d’intérieur, figures principales et secondaires sont peints avec une précision, un réalisme, une vérité de coloris merveilleux. Ce sont ces qualités-là qui font pardonner au Marquis de Villemer la naïveté de sa fable, la pâleur des deux héros, toutes les invraisemblables aventures de la seconde partie et son ennuyeuse conclusion.

Le Marquis de Villemer fut mis à la scène et joué au théâtre de l’Odéon en 1864. La pièce eut le même succès que le roman. C’est une des comédies les plus connues de George Sand : elle resta au répertoire. Nous pensons néanmoins qu’elle est très inférieure au roman.

On dit que c’est Alexandre Dumas fils qui donna à George Sand l’idée première de sa pièce, et l’aida à en établir la construction. En quoi consista cette aide ? il est impossible de le dire à présent, car le manuscrit qui existe est écrit ou plutôt copié de la première jusqu’à la dernière ligne de la main de George Sand et le brouillon ou plutôt les brouillons (car Mme Sand refit au moins deux fois toute la pièce de fond en comble) furent détruits[1]. Quant à Alexandre Dumas, il se dédit en faveur de George Sand de toute part de collaboration : il refusa toujours de donner un seul renseignement sur ce qui était dû à sa plume. « C’est un service qu’on se rend entre confrères, cela ne vaut pas la peine d’en parler », avait-il coutume de répondre lorsqu’on le questionnait plus tard à ce sujet. On dit couramment que cette

  1. La pièce a été faite d’abord en quatre actes, puis refaite en cinq, puis de nouveau resserrée en quatre actes.