Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/413

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villageois crier : « Dites à Mlle de Montmorency d’apporter de l’eau » et voir ladite Mlle de Montmorency puiser l’eau, porter des seaux et traire les vaches, tout comme dans ce village russe peuplé de princes décrit par Herzen, où un paysan criait : « Hé ! prince Ivan, viens donc labourer. » Et le prince de répondre du bout de son champ : « J’y cours, prince Wassili, » tous les deux n’étant nullement des princes laboureurs par principe, comme Tolstoï, mais de vrais paysans pauvres et insignifiants.

Cette demoiselle de Montmorency et sa famille apparaissent dans le roman de George Sand sous le nom de Mlle Corisande de Germandre et de son frère, le chevalier de Germandre, laboureur, qui arrivent au château de Germandre en qualité d’héritiers, devant assister, avec toute leur parenté titrée, à l’ouverture du testament du chef de leur famille, le marquis de Germandre, prétendu maniaque. Naturellement les représentants démocratisés de la noble famille sont, sous tous les rapports, supérieurs à leurs aristocratiques cousins, et il va de soi que, grâce à son esprit observateur et à ses connaissances multiples, le chevalier-laboureur devine le secret du mystérieux coffret, secret dont la découverte donne droit à tout l’héritage du marquis maniaque, d’après son testament.

Lorsque George Sand travaillait, à la fin de l’automne 1860, à cette Famille de Germandre, elle tomba subitement malade du typhus et presque immédiatement elle perdit connaissance. Elle resta longtemps alitée, entourée de Maurice et de Manceau épeurés et de sa parente Mme Pauline Villot qui se trouvait par hasard à Nohant avec son fils Lucien. Eh bien, l’écrivain nota plus tard le fait curieux qu’au milieu des divagations de la fièvre, elle voyait à tour de rôle les personnes se tenant auprès de son lit, et les héros de son roman, avec lesquels elle se promenait à travers des châteaux et des rochers inconnus, et que même à demi évanouie elle continuait à développer le fil de sa narration. Cela prouve à quel point le travail de son imagination était incessant et comment George Sand avait habitué son esprit à ne jamais rester inactif : elle pensait à tout, excepté à elle-même.

Tout le train de vie établi et maintenu à Nohant depuis 1851