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après la mort de Lina elle-même, Mme Séverine écrivit sur elle entre autres les lignes que voici, justes et vraies :

…Son horreur des ténèbres, du mensonge, se renforçait du souvenir toujours vivant en elle. Avec un tact admirable elle sut tout concilier ; ne pas souffrir de son effacement, ne faire souffrir personne ; être le lien obscur, mais solide, entre des personnalités marquées, être la bonne fée secourable à l’intimité.

Dans les souvenirs du grand écrivain, dans tous les livres publiés sur Sand et sur Nohant on la voit passer discrète, bienfaisante, répandant autour d’elle l’ordre sans lequel il n’est pas de foyer…


Le mariage de Maurice Sand ne fut d’abord conclu que devant le maire[1] et ce ne fut que plus tard, lorsque les jeunes époux avaient déjà un fils, qu’ils furent bénis selon les rites de l’Église, non pas catholique, mais protestante, quoique tous les deux fussent catholiques[2]. Ce fut ainsi autant par désir personnel de Maurice qui voulait assurer la liberté de conscience à lui et à ses futurs enfants[3] qu’en raison des idées libératrices de sa mère et de ses croyances religieuses et philosophiques arrivées vers cette époque à une synthèse définitive. Puis, en dehors de l’esprit général de protestation qui s’accentua de plus en plus en France contre le cléricalisme à outrance gagnant tous les jours du terrain, au moment où le second Empire était arrivé à son apogée — ce qui joua bien certainement le rôle d’un argu-

  1. Voir la lettre de George Sand au prince Napoléon, p. 328-329 du vol. IV de la Correspondance.
  2. Mme Sand le déclare elle-même dans sa lettre du 3 août 1863 au pasteur Leblois ; à ce moment-là l’enfant n’était pas encore baptisé et, comme on verra par les lettres du printemps 1864, Mme Sand avait alors seulement l’intention d’être la marraine de son petit-fils. Le baptême n’eut lieu qu’au mois de mai 1864, et selon le rite protestant.
  3. Mme Sand avait écrit à Jules Boucoiran dès le 9 février 1863, c’est-à-dire encore avant la naissance de Marc-Antoine : « …Oui, mon cher ami, il faut venir nous voir cette année, nous en serons tous heureux. Vous aimerez notre Lina qui est une enfant ravissante et qui, dans cinq mois environ, nous donnera un petit protestant. Maurice a l’intention sérieuse de n’en pas faire un catholique, c’est son idée. Vous parlerez de cela avec lui. Je m’abstiens. Ils partent dans quelques heures à Paris où ils vont passer deux ou trois semaines. C’est donc pour Maurice autant que pour moi que je vous réponds et vous remercie. « Manceau vous embrasse aussi. »