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de la réalité certaines manifestations du culte et certains actes symboliques[1]. Mme Sand écrit en ce sens à M. Bascans :

… Soyez bien persuadé cependant qu’en confiant son éducation à des étrangers et hors de chez moi, je surveillerai le programme de son propre travail. Je ne veux pas qu’on la fatigue, ni qu’on remplisse de trop de choses son esprit si impressionnable ; je ne veux pas non plus qu’on la pousse trop en dehors des voies de la philosophie et de la religion naturelle, et j’entends qu’elle reçoive une éducation religieuse qui ne soit ni routinière, ni absurde. L’image de Dieu a été entourée par le culte de tant de subterfuges et d’inventions étranges, que je désire qu’autant que possible sa pensée n’en soit pas imprégnée. Je tolérerai qu’elle suive, mais seulement jusqu’à sa première communion, les exercices de piété en usage dans la maison. Le mysticisme dont la religion, ainsi qu’on nous la présente, a enveloppé la figure sublime du Christ, dénature tout à fait les causes premières de la grande mission qu’il avait à remplir sur la terre, mission qu’on a travestie pour la faire servir à des intérêts et à des passions de toutes sortes. L’étude philosophique et vraie de sa vie a démontré, au contraire, le néant de la plupart des traditions qui sont venues jusqu’à nous sous son nom, et je ne veux pas pour Solange d’un enseignement de ce genre trop prolongé, et dans lequel elle pourrait puiser, et conserver dans un âge plus avancé, des principes d’exclusivisme et d’intolérance, dont je crois qu’il est de mon devoir de la garantir.


Un an plus tard, Mme Sand écrivait au même :

Mon cher monsieur Bascans, nous voici dans la Semaine Sainte. L’année dernière, je n’ai pas été fâchée que Solange vît le spectacle du culte catholique ; mais maintenant que la pièce est jouée pour elle, je ne vois pas de nécessité, et je trouverais même beaucoup d’inconvénients, à ce qu’elle en suivît davantage les représentations. Il ne me convient pas qu’elle s’habitue à l’hypocrisie des génuflexions et des signes de croix, ni à l’adoration de l’idole sous laquelle on déshonore la sainte figure du Christ.

Solange est bien plus sceptique que je ne le voudrais. Je crois donc que la vue de toutes ces cérémonies, dont le sens primitif est perdu, et qu’aucun prêtre orthodoxe de nos jours ne saurait lui expliquer dignement, est d’un mauvais effet sur elle. Je craindrais que cette vue ne détruisît à jamais en elle le germe d’enthousiasme que j’ai tâché d’y mettre pour la mission et la parole de Jésus, si singulière-

  1. V. notre vol. III, p. 456.