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Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/45

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intellectuels qui avaient applaudi à la révolution, et le peuple qui l’avait faite ; réconcilier et tranquilliser la bourgeoisie alarmée ; chasser « le fantôme rouge », objet permanent de sa terreur — voilà les idées de cette lettre. Mais la profession de foi de George Sand devait certes effrayer beaucoup de lecteurs de ses brochures et affermir cette réputation de communiste dangereuse que Daniel Stern tâcha de souligner dans son Histoire de 1848, et que M. Monin trouve imméritée. La comtesse d’Agoult ne prend George Sand à partie que par un sentiment d’inimitié et de parti pris un peu trop féminin, lorsqu’elle la rend responsable de tous les écrits, circulaires et bulletins communistes fatals à la République. Nous aurons mainte occasion, au cours de notre narration, de signaler combien ces réquisitoires de Daniel Stern, par rapport à des faits, sont hasardés et mal fondés. Mais quant aux idées de George Sand, il est évident qu’en 1848 elles étaient bien proches de celles des communistes et que sur ce point-là Daniel Stern est plus près de la vérité que M. Monin, qui nie catégoriquement le communisme de Mme Sand.

La grande crainte, ou le grand prétexte de l’aristocratie, à l’heure qu’il est, — c’est ainsi que George Sand commence sa Lettre aux riches, — c’est l’idée communiste. S’il y avait moyen de rire dans un temps si sérieux, cette frayeur aurait de quoi nous divertir. Sous ce mot de communisme, on sous-entend le peuple, ses besoins, ses aspirations. Ne confondons point : le peuple, c’est le peuple ; le communisme, c’est l’avenir calomnié et incompris du peuple.

La ruse est ici fort inutile ; c’est le peuple qui vous gêne et vous inquiète ; c’est la République dont vous craignez le développement ; c’est le droit de tous que vous ne supportez pas sans malaise et sans dépit…

… Vous voilà donc épouvantés d’un fantôme créé par une panique dont tout Français devrait rougir, car la France est vaillante, héroïque…

Ce fantôme, que vous n’osez même pas regarder en face, il vous plaît de l’appeler communisme. Vous voilà terrifiés par une idée, parce qu’il existe des sectes qui croient à cette idée, parce que c’est une croyance qui doit un jour se répandre et modifier peu à peu l’édifice social. En supposant que son triomphe soit prochain, savez-vous que, si vous lui montrez tant de couardise ou d’aversion, si vous mettez vos mains devant vos yeux pour ne pas le voir, de même que si, vous