Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/455

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Ne me grondez pas ; je suis sur une pente où mon âme entière est emportée et si vous pouviez lire en moi comme mes instincts sont tendres, vous ne me jugeriez pas folle.

L’apparition de cette brochure en la même année que Mademoiselle La Quintinie ne put certes que renforcer la réputation de libre-penseur et de révoltée qui était alors définitivement acquise à George Sand. M. Marcel Prévost a, d’ailleurs, justement remarqué que dans sa jeunesse George Sand était considérée comme un écrivain de l’extrême gauche[1]. Or, si cette réputation effrayait les dévots et le beau monde vertueux, elle exhaussa extrêmement le prestige de l’écrivain aux yeux de la jeunesse et de tous les représentants de l’opposition.

Sainte-Beuve en analysant le roman d’Octave Feuillet, Sibylle, auquel Mme Sand fait allusion dans sa lettre à Dumas, citée plus haut, dit dans son article quelques mots aimables à l’adresse de l’auteur de Mademoiselle La Quintinie, roman que tout le monde considérait alors comme « une réponse donnée par George Sand à Feuillet ». George Sand écrivait à Sainte-Beuve à ce propos le 8 juin 1863 :

… J’ai lu un article excellent de vous sur Feuillet qui finit par un mot trop brillant sur moi. Je suis un bien vieux aigle pour emporter les jeunes talents et en faire une bouchée[2]. Je regrette beaucoup que Buloz n’ait pas publié la préface de mon livre. J’y rendais justice

  1. Marcel Prévost : « George Sand, » conférence prononcée à Nancy le 3 mars 1901, sur l’initiative de la Ligue de l’Enseignement. (La Contemporaine, mars 1901.)
  2. Sainte-Beuve avait écrit dans son article qui parut lorsque Mademoiselle La Quintinie était encore en cours de publication à la Revue des Deux Mondes : « L’auteur de Sibylle… a remué dans ce roman de grosses questions, plus grosses peut-être qu’il n’avait d’abord pensé : questions théologiques, sociales, questions de présent et d’avenir. George Sand, on le sait, s’en est émue ; l’aigle puissante s’est irritée comme au jour du premier essor : elle a fondu sur la blanche colombe, l’a enlevée jusqu’au plus haut des airs, pardessus les monts et les torrents de Savoie, et à l’heure qu’il est, elle tient sa proie comme suspendue dans sa serre. Thèse contre thèse, théologie contre théologie, et tout cela en roman ; c’est un peu rude. La région du moins où le débat s’agite, s’est singulièrement agrandie et élargie ; on y respire. Ledernier mot de l’énigme, la solution est encore, comme dit le poète, dans les genoux de Jupiter. Nous attendons impatiemment la conclusion de Mademoiselle La Quintinie, nous verrons bien… » {Nouveaux lundis, t. V, p. 40.)