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Et George Sand raconte les malheurs et les chagrins qui plongèrent le pauvre « voyageur » dans une morne apathie, firent taire son humble voix qui avait jadis chanté et la Gargilesse et même l’Anio.

À la fin de cette Nouvelle lettre d’un voyageur, George Sand parle de l’influence bienfaisante qu’un poète de génie peut exercer sur ses lecteurs, même lorsqu’ils sont plongés dans la douleur, par son don didn, par le charme et l’harmonie de ses vers puissants. Puis elle trace en quelques lignes symboliques, comment un soir qu’elle rêvait au coucher du soleil dans le jardin du Luxembourg, un lugubre tonnerre, les sons d’un « tam-tam sinistre », s’élevant soudain des tours de Saint-Sulpice, chassèrent sa douce méditation. Les enfants jouaient et les jeunes gens se promenaient sagement, car de nos jours les étudiants sont devenus graves et ne ressemblent pas plus à l’ardente et bruyante jeunesse d’autrefois, que les larges rues silencieuses du Quartier Latin moderne aux petites rues tortueuses, mais remplies de rires sonores et de gaies chansons de jadis. C’est de nos jours — ajoute l’ex-voyageur d’autrefois, — de nos jours où l’on n’entend que la voix rauque de rairain, « cloches et canons », apportant la tristesse et l’effroi dans les cœurs, c’est maintenant qu’il nous faut surtout entendre la voix du poète : cette voix célébrant quand même et toujours la beauté, la nature ; gaie ou mâle, elle nous rend la vaillance, le courage, nous appelle au combat, nous inspire l’enthousiasme, la foi dans la victoire finale du beau et du vrai.

Nous reviendrons encore à certains passages de cette Lettre d’un voyageur de 1865, très importants pour le biographe, mais écrits sous de tout autres impressions que les gaies impressions de lecture et de printemps, ressenties aux bords de la Creuse et de la Gargilesse en avril 1864. Durant cette année beaucoup d’eau a passé, non seulement dans ces deux petites rivières, mais aussi dans la vie de l’auteur. Nous allons conter les événements qui causèrent ce changement d’humeur du « voyageur ».

Notons en passant que le dernier écrit de George Sand consacré à Victor Hugo, son poète préféré en tout temps (nous