Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/476

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Je ne m’étonne pas de l’imbécillité de nos voisins devant le catholicisme. Je les trouve nature, c’est-à-dire crétins. M’attendez-vous pour votre cérémonie ? Moi, je partirai quand je pourrai, ce n’est pas le plaisir qui me retient ici. J’y suis dans un état de marasme complet au moral et au physique… Puisque vous ne voyez pas moyen de vivre à Nohant avec le revenu de la terre, nous allons aviser à mettre un gardien et à faire maison nette à la saint Jean. Moi je cherche un coin où je puisse vivre pour cinq cents francs par mois. C’est-à-dire je chercherai, car, pour le moment, je ne cherche qu’à me tenir sur mes deux jambes.

26 janvier.

Mes chers enfants, je vais mieux, puisque je n’ai plus que de courts accès de fièvre. Mais je ne suis bonne à rien… Manceau n’est pas plus chouette que moi… Ce n’est pas ma pièce qui me retient, j’y ai été voir deux fois et je vois du reste qu’on n’y aura pas besoin de moi ou que l’on ne m’écoutera guère… Ce qui me retient c’est que j’ai quatre dents à faire arracher et que je n’ose pas, tant que j’aurai des accès de fièvre, ce serait beaucoup risquer…

J’attends toujours la réponse de la Porte-Saint-Martin… Attendez-moi pour le mariage et le baptême…

28 janvier 1864.

Mes enfants, je vais enfin mieux aujourd’hui, j’ai dormi la nuit dernière. Je ne peux pas encore manger autre chose que du potage et des huîtres. J’ai la bouche toute malade et enflée en dedans et en dehors. Pas de dentiste possible encore. Je ne vois presque personne… Tous les autres me croient partie ou plus malade. Je me préserve de l’envahissement. Dans le jour je vais à la répétition. Rien de nouveau pour l’Homme de neige. J’en dois parler avec Berton demain si nous pouvons trouver un instant tranquille au théâtre. Il m’a appris qu’on avait apporté à la Gaîté, il y a deux ou trois ans (il croit) un Homme de neige de M. Judicis, l’auteur des Cosaques. C’était très mauvais ; on a refusé. À présent Berton est à la Gaîté, il est seulement prêté à l’Odéon jusqu’au mois de novembre prochain, et il n’a pas de pièce de rentrée. Il ne serait pas impossible de s’entendre avec lui pour qu’il jouât Waldo, en mûrissant un peu le personnage. Il est toujours charmant et il a du talent comme il n’en a jamais eu. Il a fait fureur dans les Diables noirs. C’est un charmant homme, sans caprices, sans rouerie et de parole. Je verrai ce qu’il me dira, tout en ne lui cachant pas que j’ai fait faire une démarche auprès de la Porte-Saint-Martin dont j’attends le résultat.