Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/477

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Quant à nos arrangements futurs, je ne les vois pas possibles avec moi à Nohant, autrement que censée en visite ou à la veille de voyages ; je ne pourrai jamais me dépêtrer des visites de longue durée, et puis les devoirs sans nombre de ma situation en Berry, c’est impossible à moins de retomber dans l’esclavage des services à rendre, des lettres à écrire etc., etc. Si vous n’êtes pas plus habiles que moi pour y vivre en liberté et selon vos moyens actuels, il faudra bien errer un peu pendant quelques années, jusqu’à ce que je me sois remise au niveau de mes affaires littéraires. C’est dans votre intérêt autant que dans le mien, et je prétends me cacher en perchant d’un lieu à l’autre, comme cela m’est arrivé plusieurs fois dans un but semblable. Si vous voulez percher aussi, plutôt que de vous charger de Nohant, vous vous rapprocherez de mon arbre. Mais comme mon perchage peut ne pas vous plaire, nous serons indépendants les uns des autres. Il faut cela avant tout. Qu’est-ce qu’il faut pour que j’y aille et vienne comme tout le monde ? pour que je retrouve mes enfants et mon Cocoton, n’importe où ? — Un peu d’argent en dehors des dépenses indispensables, et j’en aurai, dès que certains budgets écrasants ne me seront plus imposés. Il est certain que nous ne mettrons pas l’Océan entre nous et que je ne vois pas le rêve solennel de la séparation et de l’isolement se dresser entre nous, ce serait envenimer pour moi une situation chagrinante (la fatigue actuelle et l’équilibre détruit dans mes produits) que de montrer comme conséquence la famille brisée et le nid jeté au vent. Ce n’est pas si grave que cela, espérons-le, car si je devais le croire, j’aurais plus de peine à me rétablir et à reprendre la force dont j’ai besoin. Donnez-m’en au lieu de m’en ôter, vous qui êtes jeunes et à l’avenir de qui je travaille sans relâche. Je vous bige tendrement, mes enfants chéris. Portez-vous bien…

À Maurice.
30 janvier 1864.

Manceau t’a écrit tantôt un mot relatif à la jument et aussi pour que tu ne sois pas inquiet de moi, j’étais occupée à l’heure de la poste et ne pouvais t’écrire. J’ai commencé les pourparlers avec le baume d’acier du dentiste… Ma pièce n’est pas enrayée. Tout va, sauf la marquise qui n’ira jamais… On m’a annoncé aujourd’hui qu’une cabale religieuse s’organisait contre ma pièce, et une autre en sens contraire pour la défendre. Nous verrons bien…

Après avoir parlé à son fils d’un projet de pièce champêtre pour le Palais-Royal, dont Luguet, gendre de Marie Dorval, lui