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Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/481

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Samedi soir.

[J’ai dû veiller à la toilette de Mlle de Saintrailles qui aurait été habillée comme une portière. Je l’ai fait arranger et composer par une couturière du dernier chic, et j’ai dit à ma petite actrice de lever des patrons de ses trois toilettes, pour que ma Cocotte ait la dernière mode à consulter.]

Paris, 23 février 1864.

Pense bien Mauricot à ce que je vais te dire.

… Les tableaux qui garnissaient l’atelier de Delacroix, ses cartons, ses dessins, le moindre chiffon oîi il a fait le croquis d’une tête à côté d’une note de blanchisseuse, tout cela s’arrache et fait fureur. On en est à 250 ou 300 000 francs et il y en a encore, et plus on va, plus ou se dispute à qui paiera plus cher. On dit que cette rage ne durera pas et que peut-être tout cela tombera rapidement. Nous avons chez nous des valeurs réelles qu’un incendie peut dévorer et qu’aucune compagnie d’assurance ne nous paierait convenablement. Si tu veux vendre, c’est Vheure, ce n’est pas dans dix mois, dans un an, c’est tout de suite. Avise. Je me réserverais le Centaure, ma vie durant. C’est son dernier cadeau, et la Confession du Giaour, c’est le premier. Restent la Sainte Ame, les Fleurs, la Cléopâtre, deux Lélia, la Chasse au lion, les Carrières, plusieurs ébauches, des chevaux, des coins de jardin, des croquis, un lion aquarelle, le portrait de Mickieivicz etc. Il y a là une somme, je ne sais laquelle, réalisable tout de suite, qui peut mettre dans ta vie une rente très agréable, 3 000 francs s’il y en a seulement pour 60 000 francs, et qui peut rester dans tes mains une richesse stérile…

Le 28 février, Mme Sand écrit encore :

Mes chers enfants, c’est demain le grand jour ! Quand vous recevrez cette lettre, j’aurai des bravos ou des sifflets, peut-être l’un et l’autre. Ribes ne va pas mieux ; il joue quand même et très bien. La pièce est mal sue, mais bien comprise et bien jouée.

Le duc, Berton ; Villemer, Ribes ; Caroline, Thuillier ; la marquise, Ramelli ; Pierre, Rey, sont excellents. Diane de Saintrailles, charmante, un peu maniérée ; Mme d’Arglade, un peu faible, et Clerh, Benoit, qui dit quatre mots, ne gâtent rien.

Le théâtre, depuis le directeur jusqu’aux ouvreuses, dont l’une m’appelle notre trésor, les musiciens, les machinistes, la troupe, les allumeurs de quinquets, les pompiers, pleurent à la répétition comme un tas de veaux et dans l’ivresse d’un succès qui va dépasser celui de Champi. Tout ça, c’est la veille, il faut voir le lendemain ; s’il y a