Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/492

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donnait Nohant à ses enfants et alla s’installer à Palaiseau[1].

Le départ de Mme Sand causa un étonnement général et chagrina tout le petit monde de La Châtre. On en chercha les vraies raisons, on en trouva de tout à fait fantastiques. Mais aucun des amis de Mme Sand ne crut que la seule raison financière décida cet éloignement de sa maison. Tous s’émurent et l’accablèrent de questions : qu’était-il arrivé ? quelle était la Taie raison de son départ ? Un malheur ? un chagrin ? etc., etc. Les lettres publiées dans la Correspondance[2] montrent que George Sand s’efforça de calmer l’inquiétude de ses amis de toutes les manières possibles, tantôt sérieusement, tantôt avec ironie. Elle disait que « si les gens de La Châtre n’avaient pas incriminé selon leur coutume, c’est qu’ils auraient été malades ». Elle assurait qu’outre « son désir de mettre Nohant sur un pied économique » et « les scrupules bons et tendres de ses enfants à gouverner Nohant tout seuls sans elle », rien ne se cachait derrière sa décision. Dans la lettre à Mme Augustine de Bertholdi, Mme Sand parlait même assez ironiquement de

« ces bons Berrichons qui la faisaient rire qnmid ils lui disaient : « Vous allez donc nous quitter ? Comment ferez-vous pour vivre sans nous ? » Il y a assez longtemps qu’ils vivent de moi. Duvemet sait Uen tout cela et je m’étonne qu’il s’étonne.

Le succès de Villemer me permet de recouvrer un peu de liberté dont j’étais privée tout à fait à Nohant dans ces dernières années, grâce aux bons Berrichons qui, depuis les gai-des champêtres de tout le pays jusqu’aux amis de mes amis, et Dieu sait s’ils en ont ! voulaient être placés par mon grand crédit. Je passais ma vie en correspondances inutiles et en complaisances oiseuses. Avec cela ces visiteurs qui n’ont jamais voulu comprendre que le soir était mon moment de liberté et le jour mon heure de travail. J’en étais arrivée à n’avoir plus que la nuit pour travailler et je n’en pouvais plus. Et puis, trop de dépenses à Nohant, à moins de continuer ce travail écrasant. Je change ce genre de vie, je m’en réjouis et je trouve drôle qu’on me plaigne. Mes enfants s’en trouvent bien aussi, puisqu’ils étaient claquemurés aussi par les

  1. Nous tenons ces détails des sources les plus autorisées.
  2. Voir Correspondance, vol. V, p. 24-35, les lettres à Duvernet du 24 mars ; à Mme de Bertholdi du 3 avril ; à Mlle Nancy Fleury du 8 mai ; à M. Oscar Cazamajou de « mai 1864 » et à M. Guillemat du 11 juin 1864.