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Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/509

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indéterminé. J’ai été bien entourée et soutenue par de bons amis. Pourtant ta présence m’eût fait plus de bien, et j’ai failli t’envoyer un télégramme. Mais j’ai craint d’être égoïste et puis je suis si étroitement logée à Palaiseau ! Dormir plusieurs nuits sur un canapé est trop pénible, j’ai résisté à mon envie de te voir.

Il est là, ce pauvre ami, calme, pâle et comme rajeuni par la mort. Je le garde jusqu’à demain encore. Je crains tant les inhumations précipitées. Je l’ai couvert de fleurs. J’ai été choisir au cimetière une belle place. Je me soutiens par la volonté de m’occuper de lui jusqu’à ce qu’il faille le perdre de vue. Mais je suis brisée de fatigue, moi seule l’ai veillé et soigné à toute heure depuis le commencement, depuis trois mois, et il était bien difficile à soigner. Mes domestiques auraient peut-être perdu patience. Mais je les ai soutenus, ils ont été parfaits.

J’irai à Nohant dans une huitaine. Si je ne suis pas trop fatiguée, je veux aller vous voir ensuite. Je vous embrasse tendrement ainsi que ma sœur. Elle appréciait cet excellent ami qui vous aimait bien.

Ta tante.

À Maurice.
22 août 1865.

Quels tristes jours, quels détails navrants ! Dumas, Marchal, Larounat et Borie sont venus me voir aujourd’hui. Marchal a dîné avec moi et m’a distrait un peu. Francis est ici, il vient d’enterrer sa mère à Nevers. Il est arrivé comme notre pauvre ami venait d’expirer. Les Boutet sont excellents pour moi et m’aident dans les tristes soins à remplir. Nous le conduisons demain au cimetière. Me voilà seule depuis deux nuits auprès de ce pauvre endormi qui ne se réveillera plus. Quel silence dans cette petite chambre où j’entrais sur la pointe du pied à toutes les heures du jour et de la nuit ! Je crois toujours entendre cette toux déchirante ; il dort bien à présent, sa figure est restée calme, il est couvert de fleurs. Il a l’air d’être en marbre, lui si vivant, si impétueux ! Aucune mauvaise odeur, il est pétrifié. Son imbécile de sœur est venue ce matin et n’a pas voulu le voir, disant que cela lui ferait trop d’impression. Elle m’avait écrit pour le supplier de lui amener un prêtre. Tu penses bien que je l’ai reçue de la belle manière… dès lors il est damné et on ne veut pas lui donner un dernier baiser. La mère n’a pas paru, c’est elle surtout qui voulait qu’il se confessât, sans craindre de lui porter un coup mortel : une mère ! Voilà les dévots. Nous ne le portons pas à l’église, comme tu penses ; dès lors le bedeau nous refuse le brancard et le drap mortuaire. Mais les ouvriers du village, qui l’adoraient, veulent le porter avec un drap blanc et des fleurs. Nos amis de Paris viendront. Si le prince est de retour, connue