Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/517

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quelques jours, il est temps que je me remette à travailler. Je vais me coucher d’abord et dormir, car je suis un peu lasse. Mais j’ai bien employé mon temps. J’ai parlé de toi tout plein avec Sylvanie qui t’embrasse. À présent parle-moi de toi, mignonne chérie. Tu sais tout ce qui me concerne. Je me porte bien, je dors. Ma jambe marche un peu, elle saute et veut danser, mais c’est de l’inquiétude plutôt que de la souffrance. Enfin je m’étourdis de mon mieux et il n’y a pas d’amertume dans mon regret de ce pauvre malheureux qui m’a donné bien du mal, qui a failli me laisser bien des ennuis, mais qui vous aimait bien au fond et qui croyait si bien faire. J’ai bien fait mon possible aussi pour lui adoucir cette fin terrible.

Soyez heureux, mes enfants chéris. Je serai contente encore de vivre ; je voudrais gagner de l’argent et vous ôter tous vos petits soucis, j’espère, car j’ai encore ma tête, et je suis ton exemple, je me rends compte de tous les détails de la vie. Je vois qu’on peut ne pas tout dépenser, c’est même très facile de dépenser peu. E faut le vouloir. Bige encore… Bige ton papa pour moi quand tu lui écriras.

Jeudi soir.

Mme Sand ne voulut donc pas ou ne put point se décider à quitter son Palaiseau où l’ombre de son pauvre ami semblait planer encore. Elle y retourna. Elle y resta plus d’un an, jusqu’au commencement de 1867, passant quelques jours à Paris, allant de temps à autre à Nohant, mais revenant quand même dans la maisonnette située sur la colline.

Le 27 septembre Mme Sand écrivait à ce propos à Louis Ulbach qui venait de lui envoyer son livre :

À monsieur Louis Ullach, à Paris.
Palaiseau, 27 novembre 1865.

Vos livres me sont arrivés dans un moment affreux, cher monsieur, laissez-moi plutôt dire ami. J’ai été morte, je ne sais pas si je suis vivante, bien que mon corps marche et agissse. Était-ce une bonne disposition pour vous lire ? Pourtant je viens de lire Louise Tardy

Vous me traitez de maître, c’est vous qui passez maître, et, moi, je

    n’était plus de ce monde, qu’il ne lirait plus les volumes III et IV de notre travail. Sit tibi terra levis, cher excellent ami ! Que ces lignes soient l’expression de notre gratitude et de notre vénération pour sa mémoire.