Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/547

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qui a toutes les peines du monde à le saisir. Il l’attrape, toujours sacrant et va le jeter par la fenêtre qu’il a ouverte, lorsque le coq en se débattant éteint la bougie, s’échappe et vole dans la cour.

Est-ce lui, est-ce Maurice qui chante à nouveau : Coricoco !

— Que le diable emporte l’idiot qui a inventé cette farce ! s’écrie Adam.

Les rires derrière la porte redoublent. Adam la ferme à clef et se recouche.

Il ne m’a pas adressé la parole, soupçonnant bien que je suis complice.

L’église est en face de notre chambre. Je dors volontiers le matin et je parierais que Maurice ou Plauchut ont payé le père Carnat[1] — le sonneur-fossoyeur — pour qu’il sonne l’angélus à toute volée. Adam à cette heure-là fait sa toilette. C’est à mon tour de grogner. Je donne 5 francs au père Carnat pour qu’il sonne moins fort. Maurice ou Plauchut lui persuade qu’il doit sonner plus fort et plus longtemps pour que je lui donne davantage.

Le lendemain Adam demande à Plauchut de lui céder son pavillon au fond du parc. Il dit qu’il s’y barricadera, achètera un revolver à La Châtre et recevra les farceurs « à balle ». Quand ce sont les autres qu’on berne, Adam trouve les farces drôles, mais il n’admet pas qu’on lui en fasse, parce qu’il n’en fait pas lui-même.

Le docteur Pestel qui soigna Mme Sand dans sa dernière maladie et laissa des Notes très intéressantes sur la maladie et la mort de Mme Sand et sur les Médecins de Nohant, dit entre autres, dans ce dernier écrit,

« qu’à rencontre de ce qui existe dans beaucoup de maisons où le médecin finit par vieillir avec les membres de la famille, dont il devient quelquefois l’ami et le confident, les médecins, à Nohant, du temps de George Sand, ne vivaient pas longtemps », un médecin suivait un autre.

Et pour expliquer cette circonstance le docteur Pestel dit une chose qui donnera peut-être la clef du fait qu’il s’était intronisé à Nohant, ou ne sait trop quoi : une vraie gaieté, une hilarité, une verve faisant faire des farces sans fin, ou bien simplement l’habitude de débiter des hâbleries perpétuelles, des blagues les plus incroyables, tantôt pleines d’esprit, tantôt absolument plates et niaises :

« Mme Sand ne portait pas en elle un grand fond de gaieté, elle éprouvait le besoin d’être égayée. Lorsqu’elle quittait son cabinet de travail, il lui fallait du monde, du bruit, des rires, au besoin des hommages, et même de la flatterie auxquels elle était fort sensible. Sérieuse,

  1. Ce nom est imprimé : « Camat » dans le livre de Mme Adam ; il est évident que ce n’est qu’une faute d’impression