Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/563

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Tu disais avec raison que, pour travailler, il fallait une certaine allégresse ; où la trouver par ce temps maudit ? Heureusement, nous n’avons personne de malade à la maison. Quand je vois Maurice et Lina agir, Aurore et Gabrielle jouer, je n’ose pas me plaindre, de crainte de perdre tout.

Je t’aime, mon cher vieux, nous t’aimons tous…

C’est absolument la même indignation douloureuse, le même regret de voir deux peuples chrétiens piétiner toutes les lois humaines et divines, qui se laissent voir dans les notes de George Sand journellement jetées sur le papier du 15 septembre 1870 au 10 février 1871, tantôt une page, tantôt rien que quelques lignes ; elles furent imprimées en 1871 dans la Revue des Deux Mondes, puis en volume sous le titre de Journal d’un voyageur pendant la guerre. George Sand écrivit ce journal tant à Nohant qu’à La Châtre et à Boussac où elle avait emmené sa petite famille, une épidémie de petite vérole noire ayant éclaté alors à Nohant, comme en beaucoup d’autres endroits de France.

Il est très curieux de confronter la première partie de ce Journal avec le roman de Nanon paru en 1872. Il est très probable que Nanon, ébauchée en 1868 et dont l’action se passe à la même époque que celle de Cadio, prit sa forme définitive, sous l’influence des observations faites, en 1870. On y retrouve le reflet de la guerre aux Allemands, projeté sur le paisible Berry éloigné des hostilités. Car nous voyons dans Nanon, à rencontre de ce qui se passe dans Cadio, comment dans un coin du Berry éloigné du théâtre de la guerre (guerre civile ici), les événements agissent indirectement sur la vie de la population, comme s’ils ne l’effleuraient que légèrement de leurs ailes noires, sans changer le cours paisible de l’existence laborieuse de ces humbles et simples gens. Et cependant ces grands cataclysmes sociaux ont leur contrecoup dans la conscience et la raison des personnes demeurées tout à fait à l’écart de toute politique, de toute participation à la vie publique.

C’est cette même idée qui dicta à George Sand le début de son Journal d’un voyageur pendant la guerre. Elle envisage les événements qui viennent d’éclater, très impartialement, elle