Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/569

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

avec les idées émises dans les derniers chapitres du Journal d’un voyageur pendant la guerre. Elles sont, de fait, adressées la première à Flaubert, la seconde à Mme Adam, mais toutes les deux sont une réponse aux magnifiques lettres indignées de Flaubert des 6 et 8 septembre et 12 octobre 1871 qu’on peut lire dans le volume de la Correspondance Sand-Flaubert. Si on lit ces lettres et ces réponses, on n’a qu’à dire d’elles ce que les enfants disent des gâteaux : c’est les deux qui sont meilleurs. Ou plutôt : tous les deux ont raison. Oui, combien a raison Flaubert dans son indignation, dans son courroux contre la stupidité, la lâcheté de la bourgeoisie, l’ignorance, la grossièreté, la brutalité du peuple et des soldats, contre l’immense, la formidable « bêtise universelle », contre l’influence « hébétante » de la presse « qui est une école d’abrutissement » : elle « dispense de penser » ; contre le « pouvoir du nombre qui domine l’esprit, l’instruction, la race et même l’argent, qui vaut mieux que le nombre » ; le suffrage universel tel qu’il est constitué ne sera jamais que « la honte de l’esprit humain, la foule, le troupeau, seront toujours haïssables… » « Tout le rêve de la démocratie est d’élever le prolétaire au niveau de bêtise du bourgeois. Le rêve est en partie accompli… Il lit les mêmes journaux et il a les mêmes passions. » Prêcher l’amour aux uns comme aux autres est inutile. « Tant que le suffrage universel sera ce qu’il est rien ne changera. Tout homme si infime qu’il soit a droit à une voix, la sienne, mais cela ne veut pas dire qu’il soit l’égal de son voisin lequel peut le valoir cent fois. Dans une entreprise industrielle chaque actionnaire vote en raison de son apport. Il en devrait être ainsi dans le gouvernement d’une nation. Je vaux bien vingt électeurs de Croisset. L’argent, l’esprit et la race même doivent être comptés, bref, toutes les forces. Or, jusqu’à présent je n’en vois qu’une : le nombre… » « L’instruction gratuite et obligatoire achèvera le « bon peuple «  en faisant augmenter « le nombre des imbéciles. » « Tant qu’on ne s’inclinera pas devant les mandarins, tant que l’Académie des Sciences ne sera pas le remplaçant du pape », c’est-à-dire tant que les prérogatives de la science, de l’instruction ne seront pas reconnues, le mal « est irrémédiable » et aucune république