Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/570

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ne sentira à rien. Or, à présent dans la littérature, le théâtre, partout, au lieu de critiquer, de juger les qualités ou les défauts intrinsèques des choses, on ne parle que de leur « morale » ou de leur « utilité ». « L’idée d’égalité (qui est toute la démocratie moderne) est une idée essentiellement chrétienne et qui s’oppose à celle de justice. Regardez, comme la grâce maintenant prédomine. Le sentiment est tout, la justice n’est rien. On ne s’indigne même plus contre les assassins, et les gens qui ont incendié Paris sont moins punis que les calomniateurs de M. Favre. »

« La première injustice est pratiquée dans la littérature qui n’a souci de l’esthétique laquelle n’est qu’une justice supérieure. Les romantiques auront de beaux comptes à rendre avec leur sentimentalité immorale, car eux, comme tout le monde contemporain, ont oublié la justice dans l’éternelle poursuite de la réhabilitation de la pitié « humanitaire », on a fini par expliquer et excuser tous les crimes, toutes les lâchetés. Dans une pièce de Victor Hugo un sultan est sauvé parce qu’il a eu pitié d’un cochon ; « c’est toujours l’histoire du bon larron, béni parce qu’il s’est repenti. Le repentir est bien, mais ne pas faire de mal est mieux. L’école de réhabilitation nous a amenés à ne voir aucune différence entre un coquin et un honnête homme. On s’émeut sur les larrons en oubliant qu’il serait mieux, au lieu de se repentir, simplement de ne pas être larron. Mais non ! on est tendre pour les chiens enragés et point pour ceux qu’ils ont mordus. »

« Du reste de tout temps l’humanité était la même. Le monde doit être haï. Son irrémédiable misère m’a rempli d’amertume dès ma jeunesse. Aussi maintenant n’ai-je aucune désillusion. »

George Sand comprenait parfaitement que « tous les deux ils avaient raison », car Flaubert avait pour lui la vérité de cette raison et elle la vérité du sentiment.

« Mais la France, hélas ! n’est ni avec elle, ni avec lui ; elle est avec l’aveuglement, l’ignorance et la bêtise. » Elle ne pouvait le nier, mais c’est cela justement ce qui la désolait. C’est pour cela qu’elle répondit à Flaubert non seulement par quelques lettres privées, mais encore par les deux lettres publiées dans le