Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/572

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

voyance ne rend son chagrin ni moins vif, ni moins grand. Elle donne cours à son indignation excitée par la vue des cruautés commises par les Allemands vainqueurs et prédit que cette victoire sera nuisible, néfaste pour l’Allemagne elle-même, car ses triomphes amèneront le règne de la force matérielle primant l’idéal, c’est-à-dire la pourriture ; la décomposition et la défaite morale des vainqueurs. C’est contre cette même force matérielle primant la justice que George Sand proteste, lorsqu’elle proteste contre les faits qui se sont produits dans son propre pays, contre les personnes qui y attisent les passions populaires au profit de leurs intérêts et de leur esprit de parti. Et l’écrivain s’adressant à tous ses concitoyens leur prêche ardemment l’union et l’amour :

Français, aimons-nous, mon Dieu, mon Dieu ! Aimons-nous ou nous sommes perdus. Tuons, renions, anéantissons la politique, puisqu’elle nous divise et nous arme les uns contre les autres ; ne demandons à personne ce qu’il était et ce qu’il voulait hier. Hier tout le monde s’est trompé, sachons ce que nous voulons aujourd’hui.

Si ce n’est pas la liberté pour tous et la fraternité envers tous, ne cherchons pas à résoudre le problème de l’égalité, nous ne sommes pas dignes de la définir, nous ne sommes pas capables de le comprendre. L’égalité est une chose qui ne s’impose pas, Sest une libre plante qui ne croît que sur des terrains fertiles, dans Vair salubre. Elle ne pousse pas de racines sur les barricades, nous le savons maintenant. Elle y est immédiatement, foulée aux pieds du vainqueur, quel qu’il soit. Ayons le désir de l’établir dans nos mœurs, la volonté de la consacrer dans nos idées. Donnons-lui pour point de départ la charité patriotique, l’amour. C’est être fou que de croire qu’on sort d’un combat avec le respect du droit humain. Toute guerre civile a enfanté et enfantera le forfait…

Malheureuse Internationale, est-il vrai que tu croies à ce mensonge de la force primant le droit ? Si tu es aussi nombreuse, aussi puissante qu’on se l’imagine, est-il possible que tu professes la destruction et la haine comme un devoir ?…

George Sand exige instamment une réponse à cette question, disant qu’avec toute la France elle l’a vainement attendue.

Tout en blâmant les moyens, je ne voulais pas préjuger le but. Il y en a toujours dans les révolutions et celles qui échouent ne sont pas toujours les moins fondées[1]. Un fanatisme patriotique a semblé être

  1. On voit comment Mme Sand n’avait pas changé dans ses sympathies