Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/573

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le premier sentiment de cette lutte… La désillusion fut terrible.

Le premier acte de la Commune est d’adhérer à la paix et dans tout le cours de sa gestion elle n’a pas une injure, pas une menace pour l’ennemi ; elle conçoit et commet l’insigne lâcheté de renverser sous ses yeux la colonne qui rappelle ses défaites et nos victoires. C’est au suffrage universel qu’elle en veut et cependant elle invoque ce suffrage à Paris pour se constituer. Il est vrai qu’il lui fait défaut ; elle passe par-dessus l’apparence de légalité qu’elle a voulu se donner et fonctionne de par la force brutale, sans invoquer d’autre droit que celui de la haine et du mépris de tout ce qui n’est pas elle. Elle proclame la science positive, dont elle se dit dépositaire unique, mais dont elle ne laisse pas échapper un mot dans ses délibérations et dans ses décrets. Elle déclare qu’elle veut délivrer l’homme de ses entraves et de ses préjugés et tout aussitôt elle exerce un pouvoir sans contrôle et menace de mort quiconque n’est pas convaincu de son infaillibilité. En même temps qu’elle prétend reprendre la tradition des jacobins, elle usurpe la papauté sociale et s’arroge la dictature. Quelle république est-ce là ? Je n’y vois rien de vital, rien de rationnel, rien de constitué, rien de constituable. C’est une orgie de prétendus rénovateurs qui n’ont pas une idée, pas un principe, pas la moindre organisation sérieuse, pas la moindre solidarité avec la nation, pas la moindre ouverture vers l’avenir. Ignorance, cynisme et brutalité, voilà tout ce qui émane de cette prétendue révolution sociale. Déchaînement des instincts les plus bas, impuissance des ambitions sans pudeur, scandale des usurpations sans vergogne, voilà les spectacles auxquels nous venons d’assister. Aussi cette Commune a inspiré le plus mortel dégoût aux hommes politiques les plus ardents, les plus dévoués à la démocratie… ils se sont retirés d’elle avec consternation, avec douleur, et le lendemain la Commune les déclarait traîtres et décrétait leur arrestation. EUe les eût fusillés, s’ils fussent restés entre ses mains.

Et toi, mon ami, tu veux que je voie les choses avec une stoïque indifférence. Tu veux que je dise : l’homme est ainsi fait ; le crime est Éon expression, l’infamie est sa nature ! Non, cent fois non ! L’humanité est indignée en moi et avec moi. Cette indignation est une des formes les plus passionnées de l’amour, il ne faut ni la dissimuler, ni essayer de l’oublier. Nous avons à faire les immenses efforts de la fraternité pour réparer les ravages de la haine. Il faut conjurer le fléau, écraser l’infamie sous le mépris et inaugurer par la foi la résurrection de la patrie…

Au milieu de sa lettre Mme Sand faisait une petite allusion à ceux qui se seraient étonnés des opinions émises par elle ou qui les auraient expli-

    pour la révolution de 1848, malgré toutes les erreurs auxquelles elle avait abouti.