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Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/576

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gnation furibonde de Flaubert[1]. George Sand, elle, est bravement pour ce suffrage universel et elle appuie son point de vue par l’exposition de toutes ses croyances, si largement démocratiques et humanitaires. Elle ne se cache pas que le suffrage universel est bien le pouvoir de tous, c’est-à-dire de la masse du peuple, encore grossière, inculte, sauvage, qui comprend mal même ses intérêts directs et se laisse entraîner par le premier aventurier venu ; Mme Sand sait que cette majorité sera toujours inférieure par son niveau intellectuel et moral au petit nombre intelligent. Mais que faire ? On ne peut donc pas revenir en arrière ou même ne se préoccuper que du présent sans songer à l’avenir. Ce qui est fait est fait. Le suffrage universel est un fait de la nécessité historique. Faire un pas en arrière ce serait donner des armes à tous les aventuriers dans le genre de Louis-Napoléon qui arriva au pouvoir par le plébiscite. On ne peut plus reculer. Il faut marcher de l’avant.

Le suffrage universel, c’est-à-dire l’expression de la volonté de tous, bonne ou mauvaise, est la soupape de sûreté sans laquelle vous n’aurez plus qu’explosions de guerre civile. Comment ? ce merveilleux gage de sécurité vous est donné, ce grand contrepoids social a été trouvé et vous voulez le restreindre et le paralyser ? Vous représentez l’intelligence et vous en rejetez la base qui est le bon sens ? Non, vous croyez sincèrement qu’un échelonnage de votes partant de l’ignorance arriverait à nous donner la prépondérance du savoir. Vous en avez fait l’expérience sous le règne bourgeois de Louis-Philippe. L’éligible privilégié vous a donné une suite d’assemblées contre lesquelles je vous ai vue aussi irritée que vous Fêtes contre celle d’aujourd’hui…

En protestant contre ceux qui voudraient que la minorité intelligente fût considérée l’égale en nombre de voix de la masse inculte, ce qui dépouillerait de tout droit la plèbe rurale, en n’attribuant ce droit qu’aux habitants des villes, George Sand trouve que les républicains qui conseillent ceci ne sont dignes que d’être relégués avec les légitimistes. Ce ne sont pas de vrais républicains.

Nos principes, à nous, ne sont entre leurs mains que des armes de guerre civile. Ils appellent leurs compromis et leurs fluctuations moyens

  1. Flaubert écrit dans sa lettre du 8 septembre : « Le premier remède serait d’en finir avec le suffrage universel, la honte de l’esprit humain. »