Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/578

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nous le devenions, et s’il crée des inégalités sociales, celles de la nature aidant, il consacre le plus effroyable despotisme et recommence le passé.

Faisant une allusion aux paroles de Flaubert (sur les « mandarins » devant lesquels il faudrait qu’on « s’inclinât », sur l’Académie qui devrait « remplacer le pape » et sur l’assertion que la grande Révolution avait « avorté » parce qu’elle provenait du christianisme du moyen âge et que l’idée de l’égalité était contraire à l’idée de justice » ), donc, lançant une pierre dans le jardin de Flaubert, George Sand continuait ainsi :

Je ne veux pas plus laisser dire à l’Académie des Sciences qu’à Louis XIV : « L’État, c’est moi. » La tyrannie de l’intelligence n’autorise certes pas celle de la bêtise, mais elle la rend inévitable, elle l’appelle irrésistiblement, car tout abus engendre un abus contraire. L’histoire nous le démontre à chacune de ses pages et c’est le cas de dire avec les bonnes gens : Nous sortons d’en prendre.

Puis, développant la pensée qu’elle avait émise dès 1848, dans la préface de la Petite Fadette (et que Tolstoï avait de nos jours proclamée dans son article « les Sciences et les arts » ) et poursuivant mentalement sa polémique contre Flaubert, George Sand proteste en même temps contre l’aristocratie intellectuelle des poètes et des savants, contre tous ceux qui trouvent que :

Raisonner avec l’ignorant c’est perdre un temps précieux, travailler à éclairer le premier venu, c’est se rendre ridicule ; nous causons pour les érudits, nous écrivons pour les lettrés, nous sommes aristocrates des pieds à la tête, nous dirons à la société : « Délivrez-nous de ces goujats qui ne sauraient nous comprendre, faites-nous une représentation comme celle d’avant 89 où l’on délibérerait par ordre et non par tête… » George Sand se moque donc de tous ceux qui trouvent que cet ordre de choses serait « très équitable et très républicain. » Non, cette opinion-là ne vaut rien ! Le plus simple serait « de confier au progrès des mœurs et au dégagement de l’opinion le soin de décider des choses dont seuls ils sont les maîtres et les juges. »

Ce que vous voulez, ce droit de l’intelligence à la direction sociale, personne n’a le droit de l’imposer, mais tous ont le pouvoir de l’appliquer et ceci vous regarde, rois de l’esprit, prêtres de la science, artistes et lettrés, favoris du public, élite de la France ! Imposez-vous ! Soyez