Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/579

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plus forts que l’ignorance et prouvez que vous l’êtes. Artistes, faites des chefs-d’œuvre, savants, faites des découvertes sérieuses, évidentes ; économistes et législateurs, portez la lumière dans notre chaos politique et financier ; qui donc se refuse aux bienfaits que vous tenez dans vos mains ?

Quant aux plaintes de ceux qui, comme Flaubert, disent qu’il est difficile de faire n’importe quoi, car on se butte à chaque pas

à l’indifférence d’une nation plongée dans les préjugés et les routines de l’ignorance, Mme Sand leur répond : « Donc, il faut lui donner le plus d’instruction possible. Aidons-la, c’est nous aider nous-mêmes. »

George Sand s’étonne que les gens développés et intelligents éprouvent un dégoût invincible pour les ignorants et les nuls, tandis que tout dans la nature se complète et s’équilibre, et elle revient à l’idée qu’elle avait émise dans sa Réponse à un ami, ainsi qu’au commencement de sa Lettre à une amie :

Oui, aimer quand même, je crois que c’est le mot de l’énigme de l’univers. Toujours repousser, toujours surgir, toujours renaître, toujours chercher et vouloir la vie, toujours embrasser son contraire pour se l’assimiler, faire à toute heure le prodige des mélanges et des combinaisons d’où sort le prodige des productions nouvelles, c’est bien la loi de la nature.

Et tout en conseillant à chacun de toujours tendre à s’élever, à s’améliorer, elle croit encore que

tout homme qui sait quelque chose devrait essayer de l’apprendre à un autre homme qui ne sait rien. Ce serait très facile, à la condition d’aimer cet ignorant, parce qu’il est homme et non de le mépriser parce qu’il est ignorant. En instruire plusieurs, en instruire beaucoup est difficile. C’est la plus belle des professions et, quand même on peut s’y consacrer tout entier, les effets sont lents, la tâche pénible. Mais quelle est la chose utile qui ne soit pas longue et difficile à réaliser ?…

George Sand appelle donc tous les hommes de bonne volonté à cette tâche d’amour et de justice. Puis lançant un nouveau trait contre Flaubert, elle déclare : « Quoi de plus monstrueux, de plus injuste, de plus grossier, de plus contraire au sentiment que le sentiment qui vous porte à réclamer contre la prépondérance