Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/584

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lignes sur Sylvain, le cocher « qui est dans la maison depuis 1845 et qui est plutôt le maître que le valet de la famille », tous ces morceaux enchaînés au gré de quelque expression venue sous la plume, d’une comparaison heureuse, d’un mot !

À travers tout ce babillage d’apparence légère, à travers tout ce philosophique quiétisme de la vieillesse, luit comme un rayon entre deux nuages, la seule et même pensée : la liberté, l’égalité, l’amour de tous les hommes les uns pour les autres, voilà les vérités éternelles. Et quelque lent que soit leur avènement, quels que soient les nuages qui assombrissent l’horizon, elles brilleront enfin un jour, elles ne périront point, comme le soleil aussi ne périt jamais ; il n’est que caché et invisible, mais il est et il sera, il luira !

George Sand commence plusieurs chapitres de ses Impressions et souvenirs par quelque morceau thé de son journal datant de jours passés, ou par quelque page de mémoires écrits autrefois. C’est ainsi que le chapitre viii est daté de 1841 ; le chapitre iv renferme un jugement sur le règne de Napoléon III et sur l’impératrice Eugénie, soi-disant écrit dès 1860 ; les chapitres ix et x sont deux Lettres d’un voyageur adressées à Rollinat en 1860-61, lors du voyage de Mme Sand à Tamaris ; le chapitre iii reproduit la Lettre écrite de Fontainebleau en 1837, déjà publiée en 1855 dans le volume Fontainebleau[1].

Nous présumons que l’auteur publiait ces morceaux de souvenirs non seulement en qualité d’entrées en matière alléchantes, pour émettre ses opinions philosophiques, psychologiques et religieuses, mais encore pour démontrer le lien existant entre ses idées présentes et les idées de sa jeunesse, ainsi que leur évolution progressive. En effet, si on lit attentivement les pages philosophiques des Impressions et souvenirs, on doit constater comment l’esprit profond, avide de vérité de George Sand ne s’arrêta pas à mi-chemin mais l’amena, en élargissant et en creusant toujours plus avant sa pensée religieuse, à cette conception de l’univers, pénétrée d’un panthéisme

  1. V. notre vol. ii, p. 48-49.