Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/595

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Quand elle se laissait parfois persuader par ses lectures qu’Il l’était, elle « devenait athée quelquefois pendant vingt-quatre heures ».

Pendant de longues années elle ne parvint pas à résoudre ces problèmes, mais parfois elle eut le bonheur de sentir « le vol de la divinité maternelle passer sur sa tête », elle eut « le sentiment, presque la sensation de la présence divine…

Puis la vie extérieure, les préoccupations et les bouleversements de toutes sortes refoulèrent ces recherches philosophiques, ces doutes et ces élans.

Voulant, à présent, renouer le lien entre ses croyances d’antan et les croyances de sa vieillesse, elle dit qu’au fond, ce lien n’a jamais été rompu, il n’était que relâché.

Il est là, je le tiens, et le dialogue avec l’inconnu recommence, mais sans que je puisse dire où il en était resté, ni quelle fut la dernière parole échangée…

Mais dans ce dialogue avec l’Être suprême il n’y a plus rien qui ressemble à une oraison réglée et dans la conception de cet Être il n’y a aucun trait ressemblant à celui qu’adoraient les anciens, Hébreux ou Grecs, ni à celui qu’on nous enseigne de croire. « Il faut donc ne rien croire de Dieu, ou changer toutes les notions qui nous ont été données de lui. Il faut renoncer à l’interpréter avec nos appréciations, avouer que notre bonté n’est pas sa bonté, que notre justice n’est pas sa justice et qu’il nous a remis le soin de veiller sur nous-mêmes, sans jamais alléger au dehors des lois naturelles, les difficultés et les périls de notre existence.

Elle est en son lieu, elle fait elle-même sa place et sa destinée. Nulle compassion, nulle assistance visible. C’est à nous d’arracher à la nature ses secrets, c’est à la science et à l’industrie humaines de trouver ce qu’il leur faut dans l’inépuisable réservoir où s’élaborent les conditions de la vie universelle.

… Ces dieux de l’antiquité, ce Jéhovah lui-même qui les résume tous et qui donne une plus grande idée de la puissance de la nature concentrée dans ses mains, ce sont les forces et les vertus de la matière. Il faut une religion matérielle pour se les rendre favorables, pour les empêcher de se mettre en colère et de déchaîner les fléaux qu’elles tiennent en réserve pour le châtiment des impies. Cette notion enfantine et barbare entre dans le cerveau humain ; elle s’y incruste en passant du père au fils, elle y est encore et toujours la même, avec le ciel et l’enfer pour couvrir les manifestations illogiques des intentions apparentes de la divinité à notre égard.

Ainsi toujours un Dieu fait à notre image, bête ou méchant, vain