Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/605

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suivi la même mouche pendant un quart d’heure entier, au milieu de mille autres qu’elle dédaignait ; le niveau de la rivière qui a baissé, à mesure que s’ouvraient les déversoirs des moulins et qui a laissé les mousses inondées de ses marges bâiller au soleil ; l’ombre des arbres qui était à mes pieds et qui, passant sur moi, a fui derrière ma tête… Où est le plaisir de contempler ou seulement de remarquer tout cela ? Ce n’est ni un plaisir de savant, ni même un plaisir de poète. Tous deux sont difficiles à satisfaire. Il faut à l’un du beau, à l’autre du rare. Ma jouissance s’accommodait de ce qu’il y avait de moins insolite, de plus vulgaire dans le premier milieu venu, un coin d’herbe et de sable au revers d’un fossé, un réseau de ronces pour cadre et quelques ardoises pour lointain…

L’admirable impression de calme dans la nature rendue par ces lignes, la finesse et la précision de l’observation rappellent les paysages de l’école hollandaise où la poésie de l’ensemble et le réalisme des détails sont si harmonieusement fondus. Mais cette page leur est supérieure, plus captivante par le sentiment tout subjectif de l’union avec la nature, par le panthéisme sain et puissant, presque païen, par cette joie de vivre qui emplit l’âme de l’auteur et se transmet au lecteur. Et cette page est la perle de ce roman.

Une donnée psychologique presque identique à celle de la Filleule aurait pu former l’intérêt principal d’un roman écrit onze ans plus tard, la Confession d’une jeune fille, publié en 1864. Mais, hélas ! ce roman n’est encore qu’une variante de l’Histoire d’un enfant ! Cette fois c’est l’histoire d’une enfant adultérine que son père légal fait enlever et veut faire disparaître au moment où il l’envoie chez sa prétendue grand’mère. Mais la petite a été sauvée par une brave femme du peuple, Jenny, et par son mari, et, au bout de quelques années, elle est ramenée chez l’aïeule et y est élevée comme sa petite-fille. Devenue jeune fille elle est menacée de perdre ses droits à l’héritage, son nom et sa situation. La seconde femme de son prétendu père veut les lui disputer. L’avocat auquel cette créature confie son procès devient amoureux de la jeune fille et défend ses intérêts. Quant à elle, elle s’amourache tour à tour de son précepteur, un cuistre, puis de son cousin, un petit hobereau infatué de sa personne, Marius de