Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/608

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plus dans l’amour d’Hélène pour son précepteur, puis pour son cousin (qui ne s’appelle plus Marins, mais Marcus), mais dans la douleur du docteur Maxwell qui ne peut reconnaître son enfant qu’en souillant l’honneur de sa bien-aimée, la mère de sa fille. Il risque en outre de ravir à Hélène le nom, l’héritage de la famille étrangère qui l’a protégée, et enfin il ne se reconnaît pas le droit de porter un coup mortel au cœur de la vieille dame qui a toujours adoré cette prétendue fille de son fils comme sa vraie petite-fille. L’action est très serrée. L’abbé Costel est changé en un maître de musique, Castel[1], maniaque et bourru, excellent rôle pour un acteur de caractère. Son neveu, Frumence, malpropre et distrait, mais très réussi dans le roman, est changé en Césaire, son fils naturel qu’il élève comme un orphelin adopté ; ce Césaire est tout aussi distrait et vertueux que son prototype, mais plus comique, plus réel et rendu tout à fait sympathique par sa timide modestie. La vieille marquise, après avoir été en proie à un sommeil quasi léthargique, se réveille au dernier acte pour pardonner à l’autre, c’est-à-dire, au vrai père de sa prétendue petite-fille ; Marcus-Marius, qui, dans le roman, finit par faire un mariage d’argent en épousant une pécore provinciale, se transforme dans la pièce, sous l’action de l’amour et de la jalousie, et se fait aimer de sa cousine. La seule « jeune fille » (qui ne s’appelle plus Jeanne, mais Hélène de Mérangis) n’a point gagné au changement subi par tous les personnages. De fillette fantasque, peu équilibrée encore, passant d’un rêve à un autre, de projets raisonnables et bien intentionnés aux actes les plus irréfléchis, du désir de se sacrifier à un égoïsme juvénile, bref, de cet être intéressant et véridique elle est transformée en une jeune première aux nobles sentiments. Toutefois, au dire des journaux et des assistants, Mme Sarah Bernhardt a été adorable dans ce rôle.

Cette pièce, jouée à l’Odéon en février 1870, eut un grand succès. Des pièces parues après le Marquis de Villemer, c’est la seule que Mme Sand écrivit sans collaboration.

  1. Tout comme don Basile de la pièce de Beaumarchais est devenu un « maître de musique » dans l’opéra de Rossini