Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/623

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Il me mit au courant de ce qu’il avait observé la veille et me montra les vomissements et les urines de la malade, que, suivant sa recommandation, on avait conservés. Les matières vomies… identiques quant à l’aspect à celles qu’on observe dans le cancer de l’estomac arrivé à la période de l’ulcération… Il était évident que, de même que les matières vomies, elles contenaient du sang en assez grande quantité. Je me rendis alors auprès de la malade…

Mme Sand était alitée, elle souffrait beaucoup du ventre ; elle me raconta dans de grands détails et d’une voix haletante ce qui s’était passé la veille, elle insista surtout sur la purgation qu’elle avait prise, m’interrogeant du regard comme pour surprendre sur ma physionomie ce que j’en pensais. Pour répondre à sa pensée, je lui dis que cette purgation était parfaitement indiquée ; que l’huile de ricin était le purgatif le plus doux et le plus inoffensif qu’on peut employer ; que tout médecin y aurait eu recours : que si elle n’avait pas produit l’effet qu’on en espérait, cela tenait certainement non à l’administration intempestive de ce médicament, mais à la nature de la maladie ; qu’il y avait dans l’intestin un obstacle au cours des matières que le médicament n’avait pas pu vaincre, mais que c’était chose qu’on ne pouvait deviner ; que l’eût-on deviné d’ailleurs, il aurait fallu chercher à le faire disparaître, et qu’alors l’huile de ricin était le meilleur moyen qu’on pût employer dans ce but.

Malgré ce raisonnement qui, du reste, était très juste, je m’aperçus qu’elle n’était pas le moins du monde convaincue.

…Le pouls était large et plein, battant 88 fois par minute (ce qui était pour Mme Sand de la fréquence — elle n’avait que 50 à 55 pulsations en état de santé), elle avait presque constamment envie de vomir, la langue était blanchâtre, large et humide, le faciès nullement altéré, soif vive.

Prescription : glace, fomentations sur le ventre avec l’huile de camomille camphrée, cataplasmes émollients ; bains de siège ; lavements émollients. La femme de chambre (ancienne nourrice d’Aurore) que nous avons interrogée nous a dit que depuis deux ans qu’elle était au service de Mme Sand, elle avait remarqué que presque constamment il y avait du sang dans les garde-robes ; que ce sang se montrait sous la forme de caillots noirs.

Ce renseignement nous fit supposer, au docteur Papet et à moi, qu’il existait dans le gros intestin une ou plusieurs ulcérations anciennes…

On vint me chercher quelques instants après la visite de ces messieurs — écrit le docteur Chabenat, — mais je ne pus me rendre à Nohant que vers les 3 heures. Je fus très surpris, en arrivant, de trouver les visages consternés et de voir là réunis les amis de la maison : M. Sagnier, M. Charles Moulin, M. de Vasson, M. et Mme Cabillaud.