Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/639

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a eu une certaine influence sur l’esprit même de sa mère, faible malgré son génie, et s’illusionnant quelquefois sur les gens, témoin la confiance qu’elle avait dans un Simonnet.

On disait à Maurice : « L’enterrement civil est le signe de ralliement des communards, » On lui disait aussi : « Les gens du pays n’aiment pas qu’on enterre un chrétien comme un chien, ce serait un déshonneur pour le maire de Nohant. » Solange et Simonnet insistaient. Bref, Solange sollicita l’enterrement religieux par télégramme à l’archevêque. Mais le problème a très rudement secoué le pauvre Maurice qui revenait toujours sur la question et me demandait ce que je ferais à sa place. Je lui répondais invariablement : « Il faut consulter Mme Sand. Elle est morte, mais les immortels laissent leurs œuvres et la réponse aux questions qu’on peut leur poser. » C’est ce que Maurice n’a pas su faire. Il disait toujours : « Cela me serait égal, mais la famille ??? »

Quelle famille ? Solange, les Simonnet ?…

Enfin elle a été enterrée rehgieusement. Je l’ai écrit au pasteur Leblois.

Nuit du 8 au 9. — Nous avons été assistés jusqu’à minuit par MM. Aucante, Amie et Plauchut. Pendant que je causais avec Aucante qui me parlait de mon père, de ses écrits ignorés, de son ami de Laprade, de la petite République de La Châtre, j’entendais Maurice discuter avec Amie[1]. Il s’agissait toujours de l’enterrement civil. « Je me suis fait protestant, disait-il, pour sortir du catholicisme. Ma mère a refusé de me suivre. Donc elle est restée catholique. Car, disait-il, on appartient forcément à tel ou tel culte. Autrement on est dans l’illégalité… » Que venait faire la question de légalité ? Voilà à quoi peut amener un esprit intelligent, mais étranger aux pensées philosophiques et qui confond tout, la loi civile, la liberté religieuse, la liberté de conscience et le gendarme. Quand ces messieurs se sont retirés, j’ai eu à subir tout seul l’assaut de ce pauvre Maurice tournant toujours dans le même cercle. Cette épreuve a été pour moi la plus pénible de toutes. Pour le calmer je lui proposai de demander à Moulin s’il y avait dans le testament de Mme Sand des dispositions relatives aux funérailles[2]. Alors il s’est

  1. Voici ce dialogue tel que M, Amie en a gardé le souvenir exact :
    — Je ne veux pas, me dit M. Maurice, que ma mère soit enterrée comme un chien.
    — Mais vous n’avez pas à vouloir, répliquai-je, mais à observer la volonté de Mme Sand exprimée ici même devant tous lors de l’enterrement de M. Duvernet.
    — C’est bien, me dit-il, on consultera le testament, et si ma mère a exprimé sa volonté, je m’y conformerai.
  2. La lettre de M. Moulin à M. de Vasson est justement une réponse à cette question. C’est-à-dire M. Moulin annonce que, n’ayant aucune espèce