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Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/658

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qu’elle sait à présent quel homme il est. Ronciat est furieux. Il est sûr, malgré toutes les négations de Rose, que c’est Claudie qui a soufflé un mot à Rose, il se trahit donc complètement. Pour se venger, il insinue à la Grand’Rose que Sylvain ne la regarde même pas, occupé qu’il est de Claudie seule. La Rose le renvoie quand même, et il s’en va ruminant des plans de vengeance.

Cette scène est jouée avec beaucoup de verve et d’entrain comique par Mme Delvair et Georges Berr. La belle fermière délurée (Mme Delvair est réellement jolie comme tout), sachant s’apprécier à sa juste valeur, mais n’ayant, à son dire jamais fait par sa conduite évaporée de mal à personne, si ce n’est à elle-même, veut tirer l’affaire au clair et exécuter celui qui a fait un mal irréparable aux autres. Avec une adresse et une dextérité surprenantes, elle fait jaser Ronciat, puis le foudroie par ses discours francs et sincères. Oh ! elle n’est pas longue à chercher ses paroles, la belle Rose ! Quant à Ronciat, il est moins lâche et vil qu’il n’est ridicule dans son aveuglement de parvenu cossu, dans sa poltronnerie et son effronterie. M. Ben sait parfaitement nuancer ceci par son jeu fin et observé.

Denis Ronciat tâche donc d’éveiller la jalousie de Rose. Puis, ayant rencontré le père et le fils Fauveau, il leur dit qu’ils ont donné l’hospitalité à une fille perdue, qui avait eu un enfant. Tout le monde, alors, perd la tête. La Grand’ Rose, furieuse, maltraite Claudie et conseille ironiquement au père Fauveau de presser le mariage de son fils avec une « servante », lui insinuant, de plus, qu’il paraît ne pas être maître dans sa maison, puisque tout le monde méconnaît ses volontés. Sylvain, dévoré de jalousie, s’élance vers Claudie et veut lui demander des explications. Mais fièrement et froidement, elle refuse de lui répondre, elle présume que si elle a été fautive, elle s’est châtiée elle-même, s’étant pour toujours refusé tout bonheur, tout amour, toute amitié ; personne n’a le droit ni de la questionner, ni de la plaindre, parce qu’elle ne se plaint pas, ni de l’accuser de mensonge, parce qu’elle ne dit rien. Elle s’empresse de rassembler ses pauvres hardes pour quitter au plus vite la demeure hospitalière de la