Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/659

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mère Fauveau. Malheureusement pour elle, et pour le vieux Rémy qui reste des heures entières comme hébété au coin du feu, elle ne parvient pas à s’en aller avec lui, de son propre gré. Le père Fauveau exaspéré par le fiasco de son projet, aiguillonné aussi par Rose et par Ronciat, la chasse de sa maison, lui lançant à la figure l’accusation qu’il vient d’apprendre. Elle est la mère d’un bâtard !

C’est alors que la raison se rallume soudain dans le vieux Rémy, il semble se réveiller et, d’abord timidement, puis s’animant de plus en plus, tremblant de colère et d’indignation, il s’avance comme le défenseur redoutable de sa petite-fille.

— Ah ! On nous chasse ? On accuse ma fille d’être une malheureuse, une menteuse ? Sachez donc la vérité ! Elle n’est ni une menteuse, ni une malheureuse, c’est vous qui êtes des malheureux ! Vous êtes plus malheureux que nous. Elle est une enfant trompée et abandonnée par un vaurien ; à peine sortie de l’enfance elle devint mère elle-même, mais elle agit honnêtement envers son enfant, elle le nourrit et l’éleva, elle souffrit et travailla, elle se cachait du monde, mais elle ne trompa personne, ni ne demanda jamais rien à personne. Quant à Ronciat c’est lui qui est un menteur, il l’a séduite, puis délaissée, lorsqu’il apprit que la tante dont Claudie devait hériter s’était remariée et que Claudie n’avait pas le sou ; il lui avait promis de l’épouser : elle n’avait été fautive d’aucun crime envers lui, si ce n’est d’être pauvre. Lui, il avait indignement, craintivement caché son crime à tout le monde, et c’est lui qui, maintenant, lui jette une pierre, c’est lui qui dévoile son malheur. Et vous, vous la chassez et vous ne chassez pas à coups de fourche et de fourchât cet infâme ? Jamais elle n’a fait entendre aucune plainte, aucun reproche, aucune bassesse, et vous osez dire qu’elle veut se faire épouser par votre garçon ! Est-ce qu’il est digne d’elle, votre garçon ?… Qu’il soit honnête homme et bon ouvrier tant qu’il voudra, est-ce qu’il a montré sa vertu par des épreuves comme les nôtres ? Est-ce qu’il a été foulé de misère et de chagrin comme nous ? Est-ce qu’il connaît comme nous la patience et la soumission aux volontés du bon Dieu ?… Non, non, ne soyez pas si