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Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/73

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vernement d’envoyer ; à la veille des élections, le gouvernement de la République, qui personnifie la victoire du peuple, se croit obligé de donner encore une fois des indications précises à ses commissaires. Les voici : Ils ne doivent nullement être de passifs spectateurs des élections qui approchent ; sans tomber dans les fautes du régime précédent et sans avoir recours à ses procédés indignes, le gouvernement de la République doit prendre ses mesures pour que les élections, dont dépend tout l’avenir du pays, soient favorables à la République et pour que la population choisisse de dignes représentants.

… Sincèrement républicaines, elles lui ouvrent une ère brillante de progrès et de paix ; réactionnaires ou même douteuses, elles le condamnent à de terribles déchirements. Votre constant effort a donc été, doit être encore, d’envoyer à l’Assemblée nationale des hommes honnêtes, courageux et dévoués jusqu’à la mort à la cause du peuple… Pénétrez-vous de cette vérité que nous marchons vers l’anarchie, si les portes de l’Assemblée sont ouvertes à des hommes d’une moralité et d’un républicanisme équivoques.

Ceux qui ont accepté l’ancienne dynastie et ses trahisons, ceux qui limitaient leurs espérances à d’insignifiantes réformes électorales, ceux qui prétendaient venger les mânes des héros de Février en courbant le front glorieux de la France sous la main d’un enfant, ceux-là peuvent-ils être élus du peuple victorieux et souverain, les instruments de la Révolution ?

Ne regarderaient-ils pas eux-mêmes comme un défi à la révolution que des hommes qui ont attaqué, calomnié la révolution, devinssent aujourd’hui les organisateurs de la constitution républicaine ?

Eh bien, puisque le choc impétueux des événements leur a subitement dessillé les yeux, soit ! Qu’ils entrent dans nos rangs, mais qu’ils n’aspirent ni à nous commander ni à nous conduire. Qu’ils marchent à l’ombre du drapeau du peuple, mais qu’ils ne songent pas à le porter. À la moindre secousse, leur âme se troublerait et, revenant malgré eux aux engagements de leur vie entière, ils affaibliraient la représentation nationale de toutes les incertitudes, de toutes les transactions familières aux opinions chancelantes et aux dévouements d’apparat.

Que le peuple s’en défie donc et les repousse ; mieux vaudrait des adversaires déclarés que ces amis douteux.

Citoyen commissaire, ce qui fait la grandeur du mandat de représentant, c’est qu’il investit celui qui en est revêtu du pouvoir souverain d’interpréter et de traduire l’intérêt et la volonté de tous.