Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/81

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Et, en posant la question : Que serait-il juste d’exiger des riches ? l’auteur s’empresse encore une fois de les tranquilliser :

Malgré qu’il semble équitable, au premier coup d’œil, de tout reprendre à celui qui a tout pris, malgré toute l’indignation qu’on sent bouillonner en soi, quand on entend le cri de la veuve et de l’orphelin, quand on voit, à tous les carrefours, le vieillard et l’enfant tendre la main aux passants, et malgré tout le désir de mettre le riche à la place du pauvre, les législateurs du présent, les initiateurs de l’avenir, nous ne pouvons pas appliquer la peine du talion.

Toutefois l’avenir détruira entièrement la richesse individuelle ; il créera la richesse sociale. L’avenir n’aura plus de pauvres, il n’aura que des égaux dans toute la force du terme…

Ceci ne se fera pas d’emblée, ni par violence, mais par transition.

…Voici quelle sera la transition : l’homme avide et habile n’aura plus les moyens de faire ces fortunes scandaleuses, qui, en se dévorant les unes les autres, dévoraient en somme la subsistance du peuple. La société doit rendre ces moyens impossibles et empêcher que les hommes du passé n’accaparent encore une fois l’avenir à leur profit. Plus d’agioteurs, plus de spéculations sur la fatigue, la résignation et la misère de l’homme, plus de sacrifices humains ; poursuivons ce trafic sauvage jusque dans ses plus mystérieux retranchements.

Quant aux fortunes déjà faites, laissons-les s’épuiser d’elles-mêmes ; imposons-leur les sacrifices que la situation exigera. La situation n’exige pas que les riches soient réduits à la misère qu’ils nous ont fait subir, ou qu’ils ont contemplée avec indifférence.

Quand la République pourra fonctionner sans leur réclamer au delà des sommes nécessaires à ses premiers besoins, méprisons leur superflu, n’en soyons pas jaloux, nous sommes trop fiers pour cela !…

… S’il faut souffrir encore un peu de temps pour traverser une crise qui nous promet tous ces biens, nous souffrirons patiemment, à la condition que nous verrons le gouvernement choisi par nous s’occuper activement de mettre tout en œuvre pour abréger notre sublime épreuve…

Et l’auteur, optimiste, croit que si le gouvernement parvient à accomplir cette tâche et si le peuple sait attendre patiemment, alors

… peu à peu, nous passerons de la pauvreté à l’aisance, et de l’aisance à la richesse sociale sans nous heurter violemment aux obstacles que le devoir nous ordonne de tourner.