Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T4.djvu/85

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Or, le même jour où parut le n° 2 de la Cause du Peuple et au lendemain de celui où avait paru le Bulletin n° 16, eut lieu la célèbre manifestation contre-révolutionnaire qui fut comme une contre-partie de la manifestation prolétaire du 17 mars. Les socialistes et les radicaux ayant tenté de renverser le gouvernement provisoire à leur profit, cet essai de sédition fut très adroitement déjoué par tous ceux qu’on traitait railleusement de « bourgeois », en leur opposant « le peuple ». C’étaient les bourgeois aisés, tremblant devant ces mesures socialistes rêvées par le rédacteur de la Cause du Peuple, et la petite bourgeoisie proprement dite, la garde nationale, tous ceux que ruinaient la crise financière et le chômage dans les affaires et qui étaient déprimés et effrayés par les processions et les manifestations populaires en permanence, le bruit dans les rues devenant chronique ; enfin tous les modestes citadins avides de silence et de repos, dont George Sand s’était si cruellement moquée dans son article « Les Rues de Paris »[1], en comparant ces bonshommes pacifiques au Cassandre de la vieille comédie[2], le symbole de la poltronnerie, de l’inertie stupide et bornée, eux tons, disons-nous, exécutèrent la contre-manifestation restée célèbre et dirigée très explicitement contre les socialistes, les communistes, contre tous ceux que les pauvres bourgeois apeurés et les libéraux modérés personnifiaient également sous les traits du « spectre rouge ». C’est pendant cette manifestation que des cris : d’À bas les communistes ! À la lanterne ! Mort à Cabet[3] !

  1. Dans le n° 1 de la Cause du Peuple.
  2. Il est évident qu’il s’agit de ce personnage de la Comédie dans l’article de George Sand. Ngub savons que l’on était alors très épris de la Commedia dell’ arte à Nohant, et on avait l’habitude d’employer dans la conversation courante les noms de ses personnages, symbolisant des caractères et des travers convenus : c’est ainsi que de vieux poltrons hargneux et bougonnants y étaient appelés des Cassandre, les jeunes fats des Léandre, les serviteurs des Pedrillo ou Leporello, les militaires des Capitan ou des Matamores, etc., etc. Il est évident aussi que c’est un simple lapsus de la part de M. Monin, lorsqu’il croit que George Sand fait dans cet article allusion à la prophétesse grecque.
  3. Il est tout à fait incompréhensible aujourd’hui pour quelle raison le nom de Cabet, le moins fanatique de tous les utopistes socialistes et le moins militant des politiciens, devint en cette journée du 16 avril le symbole de l’anarchie la plus dangereuse, de sorte que le pauvre auteur de l’Icarie ne