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CONTES ET NOUVELLES.

pereur de faire la guerre, il faudrait que je quittasse mon pays, ma famille et toi — toi surtout, dont la vue m’est aussi nécessaire pour vivre que l’air que je respire. Allons donc ! mourir pour mourir : là-bas, de chagrin ou de la balle d’un ennemi, ou ici, en me défendant contre les gendarmes ; j’aime mieux mourir ici ; au moins je mourrai à Étretat, et je serai enterré dans le cimetière de la paroisse ; et je te verrai jusqu’à la fin.

— Mais, Romain, tu me fais peur. On t’arrêtera, on te mettra en prison.

— Non, on me tuera peut-être ; c’est tout ce qu’on peut me faire malgré moi. J’y ai bien pensé, je suis décidé. Demain matin, quand les autres partiront en pleurnichant, jette les yeux sur la chambre aux demoiselles.

— Oh ! mon Dieu, Romain, veux-tu donc te jeter à la falaise ?

— Moi ? Non. On me tuera peut-être ; mais on aura de la peine, attendu que je compte me bien défendre. Pourquoi aller me battre contre les Prussiens, qui ne m’ont rien fait ? J’aime bien mieux me battre contre ceux qui veulent m’ar-