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ROMAIN D’ÉTRETAT.

marierai pas ; si tu reviens, je t’attendrai ; tu me retrouveras fidèle, et tu reviendras, j’en ai le pressentiment ; tous les jours, j’irai faire, pour ton heureux retour, une prière à la Vierge… Mais comment se fait-il que, seul des jeunes gens qui partent demain matin, tu sois resté calme, et que tu n’aies pas versé une larme, quand les autres en suffoquaient ? N’es-tu donc pas triste de nous quitter ?

Je dois faire ici un erratum. Je rends mal les paroles de Bérénice. Il y a un mot en Normandie qui a beaucoup de grâce en certains cas : c’est espérer, signifiant attendre. Je n’ai jamais entendu un pêcheur prononcer le mot attendre ; toujours on dit espérer »

— Il est vrai, dit Romain, que je n’ai pas pleuré, et que je ne me suis pas lamenté comme les autres ; mais il y a à cela une raison bien simple : c’est que je ne pars pas.

— Comment ! tu ne pars pas ? N’as-tu pas reçu comme les autres ta feuille de route ?

— Oui, mais je ne pars pas.

— Comment feras-tu ? Qui te l’a permis ?

— Personne. Eh quoi ! parce qu’il plaît à l’em-