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CONTES ET NOUVELLES.

Cependant, comme c’était un jeune homme de cœur et de résolution, il ne voulut pas se laisser mourir de faim ni de chagrin ; il déterra un sien parent, bourgeois de la ville, et lui demanda assistance. Le bourgeois n’eut rien de plus pressé que de placer son neveu, pour se dégrever de ce surcroît de famille, et Bouret eut le bonheur d’entrer chez le comte de *** en qualité de secrétaire du secrétaire de monseigneur.

Là, il avait un bon lit, une bonne table et des habits convenables ; mais il était ambitieux, et tout ce qu’il voyait le dévorait de désirs. La nuit, retiré dans sa chambre, il attendait quelquefois longtemps le sommeil en songeant aux chevaux, aux laquais, aux habits de monseigneur, aux respects dont il était environné, et, plus que tout cela, aux femmes qui embellissaient ses soupers.

— Oh ! je ferai fortune, se disait-il ; je serai riche aussi, et j’achèterai des laquais, des respects, des chevaux et de l’amour.

Puis il s’endormait, et ses rêves le berçaient des plus riantes illusions, jusqu’au moment où on le réveillait pour qu’il prît les ordres du se-