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Page:Karr - Contes et nouvelles, 1867.djvu/190

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CONTES ET NOUVELLES.

jours entendre sa voix, et il tressaillait ; il croyait la voir, et ses yeux lançaient des éclairs ; puis il finissait par son refrain ordinaire :

— Oh ! je ferai fortune !

Une nuit qu’il ne dormait pas, il lui vint en l’esprit une idée bizarre et hardie, il se leva, alluma une bougie et se hâta de la mettre à exécution avant que les obstacles se présentassent à ses yeux assez clairement pour l’en détourner.

Il écrivit à mademoiselle Gaussin.

« Mademoiselle, lui disait-il, que votre vue, le son de votre voix, m’aient troublé la raison au point que je n’aie plus ni appétit ni sommeil, et que je sois devenu incapable de m’occuper d’une pensée qui n’ait pas rapport à vous, c’est un effet que vous devez produire sur tout le monde, et auquel vous êtes accoutumée ; mais ce qui vous étonnera davantage, c’est l’audace que j’ai de vous offrir mon cœur en la situation misérable et précaire où je me trouve. Je sais que les grands seigneurs sont à peine assez riches pour oser mettre un prix à votre possession ; je sais que celui-là s’estimerait heureux qui obtiendrait de vous la permission de remplir vos