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BOURET ET GAUSSIN.

deux mains de pierreries, au point qu’on ne vît plus le pâle incarnat de vos jolis doigts.

» Moi, mademoiselle, la plus forte somme que j’aie jamais vue en ma possession, est une somme de vingt écus, et il y a un an qu’elle est dépensée. Aujourd’hui, en réunissant tout ce que je possède et ce que j’attends de ma famille, je ne trouve qu’un feutre en assez raisonnable état et une paire de bottes beaucoup moins bonnes ; de plus, l’espérance d’être chassé de chez M. le comte, s’il s’aperçoit que le secrétaire de son secrétaire s’avise de marcher sur ses brisées.

» À côté de ma pauvreté, je ne puis mettre que mon amour. Ils sont aussi grands l’un que l’autre : la seule différence que j’y mette est que j’espère n’être pas toujours pauvre, et que je crains d’être toujours amoureux.

» Je suis trop épris pour pouvoir peindre ce que je sens ; je ne puis que vous dire que je me croirais trop heureux de donner toute ma vie pour une heure de votre amour, et que j’ai plus d’une fois demandé au ciel le secret de faire, avec, mon sang, de l’or ou des diamants, que je puisse vous offrir.