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Page:Karr - Contes et nouvelles, 1867.djvu/59

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POUR NE PAS ÊTRE TREIZE.

Cela va bien accroître ce préjugé, dit-elle ; on dira que, malgré la séparation des tables, nous étions treize à dîner, et que quelqu’un devait mourir dans l’année… Morte ! redisait-elle encore ; ce n’est plus demain, c’est aujourd’hui, dans quelques heures, ô ma mère !

Et un frisson d’horreur lui parcourait le corps.

Vingt fois dans la journée, elle pensa à sa mère ; elle voulut tout avouer et ne pas mourir ; vingt fois, debout pour descendre, elle retomba sur son fauteuil, plus effrayée encore de ce qu’elle avait à dire que de la mort.

À dîner, son père lui dit :

— J’espère que tout ce trouble aura disparu demain.

Madame Gautherot lui dit :

— J’ai tout conté à ton père, il ne m’a pas trop grondée.

Et Fanny pensa que, si elle avait dit la vérité à sa mère, M. Gautherot l’aurait apprise de même.

— J’attends Éloi aujourd’hui, ajouta M. Gautherot ; probablement nous ne le verrons que demain.