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CONTES ET NOUVELLES.

visèrent en deux escouades, dont l’une se rangea derrière Pierre et l’autre derrière Yvon, et chacun des détachements reconduisit son homme jusque chez lui, en chantant : « Il aura mal à la tête demain. »

Outre donc qu’il est fatigué et engourdi ce matin, maître Pierre est un peu honteux ; il s’attend à un sermon, et il ne me parlera pas le premier. Cependant l’étonnement le fit manquer à son habitude sous ce rapport.

— Oh ! me dit Pierre, que se passe-t-il sur notre rade, ce matin ? Quels sont ces bâtiments pavoisés ?

— Il n’est pas difficile de voir que ce sont des Anglais ; leur pavillon est développé.

— Ce n’est pas ce que je vous demande, monsieur. Dieu merci, il n’y a guère de pavillons que je ne connaisse, et, si j’en ignorais un, ce ne serait pas le pavillon anglais, qui encombre toutes les mers du monde. Mais, monsieur, c’est une vraie flotte de vapeurs ; est-ce qu’ils viennent encore bombarder le Havre ? Nous allons alors entendre une jolie musique. Il faut que la batterie de Sainte-Adresse y mêle sa voix.