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300 POÈMES ET POÉSIES

Sans penser à rien d’abord, mais avant qu’apparût l’étoile du soir
Sa fantaisie errait où la raison s’égare,
Dans le calme crépuscule des ombres Platoniciennes.
Lamia le vit approcher, près, plus près,
Passant tout contre elle, dans une noire indifférence,
Ses silencieuses sandales foulaient la mousse verte.
Si proche de lui, et cependant si invisible,
Elle demeurait immobile : il passa, absorbé dans les mystères,
L’esprit aussi fermé que son manteau ; elle, des yeux,
Suivait ses pas, et tournant vers lui sa blanche nuque
De reine, elle s’écria : — Ah, séduisant Lycius !
Veux-tu donc m’abandonner seule sur ces collines ?
Lycius, regarde derrière toi et montre quelque pitié. »
Il fit, ne témoignant ni froid étonnement, ni peur,
Mais comme un Orphée reconnaissant une Eurydice :
Car si mélodieux étaient les mots qu’elle chanta
Qu’il lui sembla l’avoir aimée tout un été ;
Et bientôt ses yeux avaient bu sa beauté,
Ne laissant aucune goutte dans l’enivrante coupe ;
Et toujours la coupe était pleine — mais lui, craignant
Qu’elle ne s’évanouît avant que ses lèvres n’eussent exprimé
L’adoration due, commença ainsi à l’adorer, tandis que
Modestement elle baissait les yeux, devinant que l’emprise était sûre :
— Te laisser seule ! Regarder derrière moi ! O, Déesse, vois