Page:Keats - Poèmes et Poésies, trad. Gallimard, 1910.djvu/88

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Pieds agiles, yeux violet foncé, cheveux bien séparés.
Mains potelées, cou de neige, poitrine blanche,
Sont choses qui stupéfient les sens éblouis
Au point que les yeux fascinés, fixes, oublient qu’ils regardent.
D’un tel spectacle, ô Ciel ! je n’ai pas le courage
De détourner mon admiration, si dépourvu
Soit-il de ce qui mérite le respect, si dépouillé
De l’adorable modestie et des rares vertus.
Cependant, aussi insouciant que l’alouette, je me dégage
De ces leurres et les oublie immédiatement — même avant d’y avoir goûté
Ou d’avoir trois fois humecté mon palais ; mais lorsque je remarque
Que de pareils charmes unissent leur éclat avec celui d’une bienveillante intelligence,
Mon oreille s’entrouvre, telle la gueule rapace d’un requin,
Pour se repaître des accents d’une voix divine.

Ah ! qui peut oublier jamais une créature si parfaite ?
Qui peut oublier ses attraits à demi dissimulés ?
Dieu ! elle est comme l’agneau d’un blanc de lait, qui bèle
Pour que l’homme le protège. Assurément Celui qui voit tout,
Qui est heureux de nous savoir satisfaits de ses dons,
Ne donnera jamais d’ailes au criminel qui entraîne
Tant d’innocence à sa ruine — qui vilement dupe